Capítulo 5: De terre d'immigration à une zone d'origine de flux de migrants irréguliers: analyse et perspectives de l'expérience ivoirienne
Autor | Yao Silvère Konan |
Páginas | 69-96 |
CAPÍTULO 5: De terre d’immigration à une zone d’origine de
ux de migrants irréguliers: analyse et perspectives de l’expérience
ivoirienne
Yao Silvère Konan
Enseignant-Chercheur,
Unité de Formation et de Recherches en Sciences Economiques et de Gestion
Université Félix Houphouët- Boigny
BPV 43 Abidjan, yao.konan14@ub.edu.ci ou konansyl@yahoo.fr
DOI: 10.14679/2197
1. INTRODUCTION
« Aujourd’hui sur les 124 000 personnes qui sont en demande d’asile en France, les
syriens, ce n’est que la 15ème nationalité bien après d’autres nationalités. Bien sûr, on
a des Afghans, mais les Ivoiriens sont bien devant les syriens, les albanais bien sûr, les
Nigérians, les algériens. Aujourd’hui l’on a plus de 26% de demande d’asiles algériennes
depuis le début de l’année, plus de 35% pour le Mali, 68% pour les ivoiriens alors qu’on
parle aujourd’hui du décollage économique de la Côte d’Ivoire avec des taux que la
France envierait en termes de dynamisme économique ». Didier Leschi, Directeur
Général de l’Oce Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII), le 16 juin
2018 sur BFM TV.
Ces propos de Didier Leschi relèvent le paradoxe de la forte émigration d’origine
ivoirienne en France en face du dynamisme économique de la Côte d’Ivoire reétée
dans les indicateurs de performance économique. Cependant, la situation migratoire
ivoirienne n’a pas toujours été ainsi.
Depuis, son accession à l’indépendance, la Côte d’Ivoire pour la réalisation des
infrastructures et la mise en œuvre de l’économie de plantation a eu recours à une
importante main d’œuvre étrangère au regard de l’insusance de la main d’œuvre locale.
D’importants mouvements migratoires en direction de la Côte d’Ivoire ont eu lieu qui
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ont fait de ce pays, l’un des principaux pays d’accueil des migrants internationaux en
Afrique. La Côte d’Ivoire accueille 2 290 700 migrants internationaux au recensement
de 2014 pour un ratio de 10,1% par rapport à la population.
Le dynamisme agricole et cette abondance de la main d’œuvre ont permis à la
Côte d’Ivoire d’obtenir une décennie après l’indépendance des résultats prodigieux
en termes de croissance atteignant 7% l’an que l’on a baptisé l’ère de « miracle
ivoirien». Cependant, ces mouvements migratoires posent de nombreux problèmes
tant dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Au niveau des zones rurales,
la généralisation de l’accroissement de la densité de la population dans les zones
forestières a engendré une raréfaction des terres arables et une pression sur la terre
qui ont été à l’origine de nombreux conits. Au niveau des zones urbaines, la non
maîtrise des ux a engendré le développement de quartiers précaires, la pression sur
les infrastructures sociales de base, les problèmes d’assainissement, la délinquance
juvénile etc. Ces diérents problèmes exacerbés par la crise économique et sociale
que traverse la Côte d’Ivoire avec un taux de pauvreté respectivement de 48,9% et
46% en 2008 et 2014 (ENV 2008, ENV 2014), ont suscité de nombreux débats sur la
place, le rôle et l’intégration des étrangers et justient selon certains les nombreuses
situations conictuelles dont certaines ont été très violentes. A titre d’illustration,
l’on pourrait citer les conits sur les plans d’eau entre pêcheurs ghanéens et les
populations autochtones à Sassandra en 1998, les conits fonciers entre burkinabé et
kroumen à Tabou qui ont provoqué en 1999, l’expulsion de plus de 15 000 burkinabés
pour au moins 7 ans de leurs plantations (Dembélé, 2009). Ces conits fonciers
ont connu leur apogée durant la période de partition du pays en deux 2002-2007
où plus de 360 000 Burkinabés ont été chassés par les autochtones des zones sous
contrôle gouvernemental dans le département de Guiglo, pendant que les étrangers
agissaient de même envers les autochtones Guérés dans les zones contrôlées par les
Forces Nouvelles en 2002 (Dembélé, 2007).
Par ailleurs, la persistance de la crise économique et sociale a renforcé le mouvement
d’émigration des ivoiriens dont le ratio du stock par rapport à la population est passé
de 3,1% à 4,4% de 1990 à 2020 (UNDESA, 2020). Cette émigration ne se fait pas
seulement de manière régulière. Il se développe également depuis les années de
crise-militaro-politique, un phénomène de migration irrégulière en direction de
l’Europe, de jeunes ivoiriens. Si certains arrivent fort heureusement à réaliser leur
objectif, d’autres échouent dans la méditerranée, dans le désert ou sont vendus
comme esclaves en Lybie, nécessitant leur rapatriement en situation d’urgence et des
politiques publiques audacieuses et novatrices pour juguler ce phénomène.
Cet article essaie de passer en revue l’évolution dynamique de la situation
migratoire ivoirienne d’une situation de terre d’immigration à une zone de départ de
ux importants de migrants en situation irrégulière.
Pourquoi l’émigration ivoirienne s’est-elle considérablement développée au cours
de ces dernières années ? ’il faut reconnaître que l’émigration a commencé à prendre
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