Pline le Jeune sociologue des pratiques esclavagistes de son temps?
| Autor | Antonio Gonzales |
| Cargo del Autor | Université de Franche-Comté |
| Páginas | 301-324 |
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PLINE LE JEUNE SOCIOLOGUE
DES PRATIQUES ESCLAVAGISTES
DE SON TEMPS ?
Antonio Gonzales
Université de Franche-Comté
P - l’opinio communis sénatoriale de son époque? Si la
bibliographie qui répond positivement à ce postulat est largement majoritaire dans la
littérature scientique qui s’intéresse au rôle de Pline et de son œuvre dans l’entou-
rage de Trajan, il n’est pas inutile de s’ interroger sur la méthode et l’organisation des
faits retenus par le Comasque pour dessiner un tableau des relations d’esclavage et de
dépendance à son époque. De la même façon que l’on a dénié, pendant longtemps,
toute valeur historique et toute intention historiographique à l’œuvre de Suétone1,
on a dénié à Pline le Jeune toute capacité ou intention historiographique dans la ré-
daction de sa Correspondance et de son Panégyrique de Trajan. Pourtant, les realia
1. J. Gascou, Suétone historien, Rome, 1984, XI.
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dont il fait part, notamment dans sa correspondance avec Trajan lorsqu’il est gou-
verneur de la province de Bithynie-Pont, peuvent être considérées au-delà de leur
caractère administratif comme des documents d’une histoire en train de se faire, une
histoire du temps présent dont les conséquences peuvent dépasser la simple contem-
poranéité des faits eux-mêmes. Un bon exemple est représenté par l’échange de cour-
riers entre Pline le Jeune et Trajan à propos des chrétiens de sa province qui a donné
lieu à des milliers de pages d’études tant historiques qu’exégétiques sur les rapports
entre Trajan, Pline et les chrétiens. Pline n’est certes pas un historien mais plutôt
un chroniqueur de sa propre vie et de ce qui l’aecte de près ou de loin. Toutefois,
cette conception personnelle des faits sociaux dans leur expression la plus large ore
évidemment un point de vue qui est également celui de la nobilitas sénatoriale qui
perçoit et analyse les rapports de force entre les diérentes composantes socio-éco-
nomiques et culturelles comme des forces antagoniques et concurrentielles avec un
sentiment empreint de nostalgie et de volonté de retour aux valeurs traditionnelles de
l’organisation sociale, le fameux mos maiorum.
Pourtant, l’œuvre de Pline le Jeune est souvent présentée comme une source
intéressante pour comprendre le fonctionnement de la société romaine du Haut-Em-
pire à la charnière des dynasties avienne et antonine2. Intellectuel et administrateur
au service d’un État qui gère les compétences et façonne les carrières personnelles,
Pline entre en contact avec les diérents groupes sociaux qui dessinent une socié-
té hiérarchisée et profondément inégalitaire, ce qui n’était pas un problème pour ces
hommes qui pensaient la société comme l’émanation d’ inégalités naturelles. Homme
tolérant, il préconise un comportement plus ouvert envers les groupes inférieurs qu’ il
considère essentiellement pour des qualités intellectuelles ou professionnelles dont il
peut utiliser la force de production. Homme nouveau, il n’exclut pas une possible ascen-
sion sociale des aranchis, dont certains font partie des cercles de ses amici ou de ceux du
Prince. Mais cette possible intégration suppose bien entendu le respect des hiérarchies
statutaires. Cetteconception des rapports sociaux, telle qu’elle apparaît à première vue
dans son œuvre pose de nombreuses questions.
En eet sa Correspondance, comme son Panégyrique de Trajan, constitue un aper-
çu de ses préoccupations, partagées par bien des hommes de son milieu3. Gestion des
aaires et des biens, vie intellectuelle et politique, activité professionnelle personnelle
2. K. Christ, Geschichte der römischen Kaiserzeit, München, 2010, 359-360.
3. A. Schroeder, “El helenismo en la época y en la obra de Plinio el Joven”, Anales de Historia
Antigua y Medieval, 1983, 51-65; J.-M. André, “Pensée et philosophie dans les Lettres de Pline le
Jeune”, Rev ue des Études Latines, 53, 1975, 225-247.
P J ?
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