Esclavage(s) et comparaison(s). Remarques historiographiques
Autor | Jacques Annequin |
Cargo del Autor | Université de Franche-Comté |
Páginas | 141-159 |
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ESCLAVAGE(S) ET
COMPARAISON(S). REMARQUES
HISTORIOGRAPHIQUES
Jacques Annequin
Université de Franche-Comté
Car du monde et la uidité de
l’information, une pratique et une manière de penser quotidiennes de sorte que la
comparaison n’apparaît plus comme le propre d’une activité savante même si elle
permet d’ouvrir comme jamais le champ des savoirs. Dans ces conditions, alors que
se banalise la comparaison, la démarche comparative se fait de plus en plus complexe
et ranée. C’est le cas en histoire, discipline à présent multipolaire avec le développe-
ment de l’ histoire «croisée», «connectée» ou encore des analyses dites «de transfert».
Ces approches renouvelées ont permis d’enrichir les méthodes bien au delà de la
comparaison diérenciative ou de la recherche des convergences. Elles ont permis
aussi d’aborder d’autres domaines que ceux devenus classiques de la comparaison
quantitative chère aux historiens de l’économie institutionnelle ou encore globale
étroitement liée aux structures. Se sont ainsi créées des synergies qui ont encouragé
les recherches transdisciplinaires dont rendent compte des publications collectives
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qui, il est vrai, se contentent trop souvent de proposer au lecteur des études parallèles
à charge pour lui d’en faire la synthèse1.
Il reste que la comparaison rencontre les exigences méthodologiques du
comparatisme dans ses diérentes déclinaisons: sociologiques, anthropologiques,
politiques, culturelles, historiques. On sait qu’au XIXe siècle, les rapports entre
comparatisme et histoire ont été diciles et qu’aujourd’hui persistent et même se
renforcent les écarts entre la démarche du sociologue qui parie sur la typologie et la
synchronie, et celle de l’historien qui privilégie le tournant, la rupture, la périodisa-
tion, la diachronie même si, de façon assez paradoxale, l’anthropologie historique
se soucie assez peu de comparer.
Au fond, et chacun le sait bien, la comparaison ore à l’ historien un vaste champ
d’étude qu’il ne fréquente guère et même qu’ il peut délibérément ignorer. L’ histoire
de l’Antiquité en est un exemple particulièrement signiant. Le chemin de la com-
paraison emprunté jadis par M. I. Finley, n’est plus guère parcouru et le compara-
tisme sans rivage que propose M. Detienne reste un sujet de débat méthodologique
voire purement théorique2. En eet les historiens sont toujours réticents à comparer
le comparable et encore plus à «comparer l’ incomparable»3.
Comparaison et esclavage
L’esclavage dans son unicité et dans ses expressions diverses, a, plus que d’autres
sujets, suscité des réexions comparatives plus ou moins sophistiquées. C’est ainsi
que, très souvent, la comparaison se présente comme un simple artice de la na-
rration historique qui use de situations présentes pour mieux faire comprendre le
passé grâce aux vertus bien connues de l’anachronisme4, quand elle ne reste pas
tout simplement dans le domaine de l’ implicite. Lorsqu’elle elle est assumée, l’usage
d’un modèle réferenciel en trouble trop souvent l’apparente logique. Les exemples
ne manquent pas. On songe aussi bien au modèle de la plantation coloniale et à son
1. H. Kaelble, Der historische Vergleich. Eine Einführung zum 19 un 20 Jahrhundert, Frankfurt
am Main, 1999; E. Julien, “Le comparatisme en histoire. Rappels historiographiques et approches
méthodologiques”, Hypothéses, 1, 2004, 191-201; Id., Faire des sciences sociales, critiquer, comparer,
généraliser, Paris, 2012; P. Kolchin, “L’approche comparée de l’étude de l’esclavage. Problèmes et
perspectives”, dans M. Cottias, A. Stella et B. Vincent (Coords.), Esclavage et dépendances serviles,
Histoire comparée, Paris, 2006.
2. M.I. Finley, Esclavage antique et idéologie moderne, Paris, 1981.
3. M. Detienne, Comparer l’ incomparable, Paris, 2000.
4. N. Loraux, “Eloge de l’anachronisme en histoire”, Le genre humain, 27, 1993, 23-29.
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