Le principe d’égalité des langues au sein des institutions de l’Union européenne et dans le droit communautaire, mythe ou réalité?

AutorAntoni Milian i Massana
CargoCatedràtic de dret administratiu de la Universitat Autònoma de Barcelona
Páginas48-91

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Le* principe d’égalité des langues au sein des institutions communautaires est-il un mythe ou est-ce une réalité ? Le texte qui suit veut répondre à cette question. Pour ce faire, la première partie du travail traite de l’origine, de l’évolution et de la consolidation du régime linguistique des Communautés européennes. La deuxième partie est consacrée à l’étude du régime linguistique en vigueur. L’analyse de ce régime nous montre l’existence d’une hiérarchie linguistique très accusée au sein de l’Union européenne. La troisième partie contient des réflexions sur la nécessité de reconsidérer le régime linguistique actuel dans le contexte de l’élargissement de l’Union prévu pour 2004. Finalement, des considérations et des propositions sont faites afin d’aider à corriger les abus les plus graves de la hiérarchie linguistique communautaire.

I Le régime linguistique des Communautés : de l’origine à nos jours
I 1.De la fondation des Communautés au premier élargissement de celles-ci (la période 1951-1973)
I 1.1. Le précédent de la Communauté européenne du charbon et de l’acier

Le Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, la première des trois Communautés européennes instituées, signé à Paris le 18 avril 1951,1 ne contient aucune disposition relative au régime linguistique des institutions qu’il établit. Cependant, une conséquence linguistique se dégage de l’article 100, que se lit comme suit : « Le présent Traité, rédigé en un seul exemplaire, sera déposé dans les archives du gouvernement de la République Française qui en remettra une copie conforme à chacun des gouvernements des Etats signataires ». La conséquence est que seul l’exemplaire en langue française du traité fait foi.

La détermination du régime linguistique et la décision quant au siège des institutions de la Communauté sont différées pour ne pas retarder la signature du traité : ces deux questions permettant difficilement d’obtenir une unanimité. En tout cas, le fait que le texte français soit le seul à faire foi ne préfigure nullement le régime linguistique à établir. Avant que la ceca entrePage 49effectivement en fonction, une Commission intérimaire est chargée par les six ministres des Affaires étrangères d’étudier, en particulier, « les questions relatives au siège des institutions, ainsi que celles qui concernent le régime linguistique de la Communauté », et de faire aux gouvernements des propositions motivées.2 Au contraire de ce qui se passe pour le siège, la Commission arrive à un accord en ce qui concerne le régime linguistique. Un projet de protocole est présenté par la Commission à la Conférence de Paris, projet qui est adopté le 24 juillet 1952 par les six ministres, sans modification.3

En vertu du Protocole sur le régime linguistique de la CECA, l’allemand, le français, l’italien et le néerlandais deviennent langues officielles et langues de travail de la Communauté, tous les textes dans ces langues faisant également foi. L’égalité des quatre langues est donc formellement établie.4 Dans les sessions de la Commission intérimaire, et avant d’arriver à l’adoption du projet de protocole qui prévoit l’égalité des quatre langues, d’autres propositions et solutions avaient été envisagées et présentées, mais sans succès. Ainsi, par exemple, la consécration de quatre langues officielles (l’allemand, le français, l’italien et le néerlandais) et deux langues de travail (l’allemand et le français), lors de la première session ; ou le fait qu’il serait indispensable de rédiger dans la langue du traité les règlements, les décisions d’ordre général et les arrêts, tout au moins quant à l’original faisant foi, lors de la deuxième réunion.5 La nature d’organisation internatio-Page 50nale supranationale de la ceca explique le régime linguistique de quatre langues officielles et de travail adopté à la fin, réellement surprenant par rapport au nombre des États membres qui la composent. On reviendra plus tard sur cette question.

La reconnaissance de l’allemand, du français, de l’italien et du néerlandais comme langues officielles et de travail au sein de la ceca, accordée par les ministres des affaires étrangères, est une décision capitale, vu qu’elle aura une influence décisive dans la fixation du régime linguistique des deux autres Communautés européennes. En effet, ce régime des quatre langues est celui qui sera adopté pour la Communauté économique européenne (devenue Communauté européenne avec le traité de Maastricht) ainsi que pour la Communauté européenne de l’énergie atomique.

I 1.2. La Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique6

Le traité instituant la Communauté économique européenne (traité cee)7 et le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie ato-Page 51mique (traité ceea), les deux signés à Rome le 25 mars 1957, sont aussi muets quant au régime linguistique des institutions.8 Cependant, deux nouveautés remarquables s’y trouvent. En premier lieu, l’article 217 du traité cee (devenu art. 290 du traité ce) et l’article 190 du traité ceea établissent la procédure pour sa détermination : ils s’en remettent aux conseils respectifs, qui doivent statuer à l’unanimité.9 En second lieu, les traités contiennent déjà un article révélateur, qui fait valoir les quatre langues citées auparavant, ce qui sera pris en compte par la suite dans le règlement portant fixation du régime linguistique arrêté par chaque conseil. Il s’agit, respectivement, des articles 248 (maintenant, modifié, art. 314) et 225, qui disposent dans des termes identiques que :

Le présent traité, rédigé en un exemplaire unique, en langue allemande, en langue française, en langue italienne et en langue néerlandaise, les quatre textes faisant également foi, sera déposé [...]

.

Le contraste certain entre l’article 100 du traité ceca et les articles 248 du traité cee (maintenant, modifié, art. 314) et 225 du traité ceea montre la volonté d’introduire le régime linguistique des quatre langues dans les deux Communautés nouvelles.

Faisant usage de l’habilitation contenue dans les articles 217 du traité cee (devenu art. 290 du traité ce) et 190 du traité ceea, les Conseils arrê- tent, respectivement, le 15 avril 1958, le règlement nº 1, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne, et le règlement nº 1, portant fixation du régime linguistique de la Communauté européenne de l’énergie atomique, les deux avec les mêmes règles.

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L’article premier des règlements nº 1 détermine les langues officielles ainsi que les langues de travail des institutions de chaque communauté. Selon cet article :

Les langues officielles et les langues de travail des institutions de la Communauté sont l’allemand, le français, l’italien et le néerlandais

.

Ces quatre langues se voyant reconnaître le caractère de langues officielles et de travail des institutions de la cee et de la ceea, il est évident que les règlements nº 1 s’inspirent du critère adopté pour le Protocole sur le régime linguistique de la CECA.

Bien que nous parlions souvent dans le texte des langues officielles et de travail des Communautés, en réalité les quatre langues sont reconnues à l’article premier des règlements nº 1 comme « Les langues officielles et les langues de travail des institutions de la Communauté [...] », ce qui pourrait avoir un sens plus restreint. Nous reviendrons plus tard sur cette question.10

Les quatre langues reconnues dans les règlements nº 1 ne sont pas toutes les langues parlées traditionnellement dans les six États fondateurs des Communautés. Malgré le nombre élevé des langues admises par rap- port au nombre des États membres, d’autres langues qui y sont parlées historiquement restent exclues. Il faut donc se demander quel a été le critère qui a été adopté par les Conseils pour faire le choix des langues officielles et de travail.

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Le préambule des règlements nº 1, du 15 avril 1958, mérite l’attention étant donné qu’il permet de découvrir le critère qui a été suivi par les Conseils pour fixer les langues qui doivent jouir du statut de langue officielle et de langue de travail dans les Communautés. Nous pouvons y lire ce qui suit :

Considérant que les quatre langues dans lesquelles le Traité est rédigé sont reconnues comme langues officielles chacune dans un ou plusieurs États membres de la Communauté

.

Les Conseils décident donc de consacrer comme langues officielles et de travail des institutions les langues qui, soit du fait d’une reconnaissance juridique expresse, soit de fait, sont des langues officielles sur le territoire, comprendre plus exactement sur l’ensemble du territoire, de chacun des États membres. Comme il est facile de le constater, ce critère permet de garantir qu’au moins une des langues officielles des Communautés soit toujours en coïncidence avec une des langues officielles de n’importe quelle partie du territoire des Communautés.

En somme, le critère adopté garantit que les textes du droit communautaire susceptibles de produire un effet direct soient publiés dans le Journal officiel des Communautés européennes de manière compréhensible par tous les citoyens des États membres, ce qui est une exigence indispensable qui découle des principes de la sécurité juridique et d’égalité ou d’interdiction de toute discrimination que tout système démocratique doit respecter. Par conséquent, l’adoption d’un nombre moindre de langues officielles n’aurait pas été possible, parce qu’elle aurait enfreint les deux importants principes de droit mentionnés.11

Deux type de langues apparaissent donc du point de vue communautaire : le groupe des langues officielles et de travail, auquel appartiennent l’allemand, le français, l’italien et le néerlandais ; et le groupe des langues qui n’atteignent aucune reconnaissance, auquel appartiennent toutes lesPage 54autres langues parlées historiquement et habituellement dans les six États membres.

Quelles seraient les raisons qui expliquent que d’autres langues historiquement parlées par les citoyens des six États membres ne se voient pas reconnaître la condition de langue officielle ? À notre avis, il y aurait au moins quatre motifs qui répondent à la question posée. En première lieu, les quatre langues reconnues suffisent à garantir la compréhension du droit communautaire par tous les citoyens. En second lieu, les coûts budgétaires importants qui suivent toujours la reconnaissance de nouvelles langues, du fait que celles-ci imposent un développement considérable des services de traduction et d’interprétation. Pour les fondateurs, la reconnaissance des quatre langues est déjà une contrainte suffisamment lourde pour ne pas y ajouter encore d’autres langues. En troisième lieu, le petit nombre de citoyens qui parlent les langues autres que les quatre langues officielles. Finalement, à l’époque, les langues régionales attirent à peine l’attention des pouvoirs publics, même dans l’ordre interne. Le statut de ces langues dans le territoire où elles sont parlées n’excède pas, habituellement, la prévision de leur enseignement, et rarement ou jamais elles ne se voient reconnaître le caractère de langue officielle.12 D’où le fait que les États ne se posent pasPage 55la question de les insérer dans l’ordre juridique communautaire. Pendant cette période, les démocraties occidentales mettent l’accent sur le pluralisme politique —il faut éviter le retour des régimes totalitaires—, et elles lais- sent le pluralisme culturel de côté.

I 2.
I 2.1. L’adhésion du Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni

Le premier janvier 1973, trois nouveaux États, le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni, adhèrent aux Communautés. Quant aux langues, l’article 3 du traité relatif à l’adhésion à la Communauté économique européenne et à la Communauté européenne de l’énergie atomique du Royaume de Danemark, de l’Irlande, du Royaume de Norvège et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (traité d’adhésion rd, i, rn et r-u), tel que modifié par la décision du Conseil du 1er janvier 1973,13 dispose, cohérent avec l’incorporation de nouvelles langues officielles, que les textes du traité, rédigé en un exemplaire unique, en langue allemande, en langue anglaise, en langue danoise, en langue française, en langue irlandaise, en langue italienne et en langue néerlandaise, font « également foi ». En outre, l’article 160 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion et aux adaptations des traités (acte d’adhésion rd, i, rn et r-u), afin de garantir l’égalité effective de toutes les langues officielles des Communautés, et afin de garantir que les ressortissants des nouveaux États membres puissent connaître et comprendre les textes des traités cee et ceea, établit que les textes en langue anglaise, en langue danoise et en langue irlandaise des traités cee et ceea, ainsi que des traités qui les ont modifiés ou complétés, annexés à l’acte,Page 56« font foi dans les mêmes conditions que les textes originaux » des traités cee et ceea.14

Il convient de noter que, contrairement aux articles 3 du traité d’adhésion rd, i, rn et r-u et 160 de l’acte d’adhésion rd, i, rn et r-u, qui comprennent parmi les textes qui font également foi les versions anglaise, da- noise et irlandaise, la nouvelle rédaction donnée à l’article premier du règlement nº 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne, ne consacre comme nouvelles langues officielles et de travail des institutions de la Communauté que l’anglais et le danois. En effet, l’acte d’adhésion rd, i, rn et r-u rem- place l’article premier du règlement par le texte suivant :

Les langues officielles et les langues de travail des institutions de la Communauté sont le danois, l’allemand, l’anglais, le français, l’italien, le néerlandais [et le norvégien]

.15

L’absence de la langue irlandaise dans le règlement nº 1 est due à ce que l’Irlande renonça finalement à sa reconnaissance comme langue officielle et de travail. Ce renoncement, que l’on peut inférer aussi de l’article 155 de l’acte d’adhésion,16 représente une importante faille dans le principe selon lequel toute langue qui a un statut de langue officielle sur tout le territoire d’un État membre est aussi une langue officielle de la Communauté.17

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La réalité irlandaise posait une question nouvelle : la détermination des langues qu’il faut reconnaître dans le cas des États qui reconnaissent plus d’une langue officielle pour l’ensemble de leur territoire et que l’une quelconque d’entre elles est déjà langue officielle et de travail des Communautés. Selon le critère des règlements nº 1, toutes les langues qui sont langues officielles sur l’ensemble du territoire des nouveaux États devraient acquérir la condition de langue officielle et de travail des Communautés sans exception. Par conséquent, la non reconnaissance de l’irlandais introduit une altération remarquable à ce critère, dont la formulation plus précise après les adhésions nouvelles serait : toutes les langues qui ont un statut de langue officielle sur l’ensemble du territoire d’un État membre sans partager ce statut avec une autre langue acquièrent la condition de langue officielle et de travail des institutions communautaires. Lorsqu’un État membre reconnaît plus d’une langue officielle pour l’ensemble de son territoire et que l’une quelconque d’entre elles est déjà, du fait qu’elle l’est pour un autre État membre, langue officielle et de travail des institutions communautaires, les autres n’acquièrent pas cette condition.18

Il y avait divers facteurs qui favorisaient le renoncement irlandais, renoncement que l’ensemble des États membres souhaitaient vu que l’accroissement des langues officielles et de travail multiplie les difficultés soulevées par le multilinguisme. Parmi ces facteurs, il y en a deux que méritent d’être soulignés maintenant. En premier lieu, le fait que seul l’anglais était connu de l’ensemble de la population irlandaise. En second lieu, que seule une faible proportion d’Irlandais connaissaient la langue irlandaise.19 La réalité sociolinguistique ne favorisait pas la défense de l’irlandais par lePage 58gouvernement de l’Irlande. Dans ce contexte, l’élimination de l’irlandais ne portait pas violation des principes de la sécurité juridique et d’égalité ou de non-discrimination. De toute façon, pendant les négociations relatives aux conditions d’adhésion, le gouvernement irlandais sut obtenir un statut spécial pour la langue irlandaise à mi-chemin du rang des langues officielles. Il est sûr que la règle de l’unanimité du Conseil requise aux traités cee et ceea pour la fixation du régime linguistique des institutions communautaires ne fut pas étrangère à la réussite irlandaise. Le modèle linguistique communautaire n’étant pas encore consolidé —il s’agissait du premier élargissement—, la règle de l’unanimité donnait la primauté aux positions minoritaires.

Le premier élargissement nous enseigne que des statuts linguistiques autres que la condition de langue officielle et de travail des Communautés sont possibles. C’est le cas de l’irlandais. Et ce premier élargissement nous enseigne aussi que les critères qui dessinent le modèle linguistique européen peuvent évoluer selon les circonstances et en fonction des demandes et des exigences des États.

I 2.2. L’adhésion d’autres États membres

L’incorporation d’autres langues officielles et de travail des Communautés (et de l’Union), conséquence des trois autres élargissements des Communautés, a eu lieu en suivant exactement le critère formulé auparavant et en suivant la même procédure que celle qui a été utilisée pour les langues danoise et anglaise : l’inclusion dans le traité d’adhésion d’un article qui énumère les langues dans lesquelles le texte dudit traité fait « également foi » [les langues dans lesquelles le texte des traités précédents faisait déjà foi, plus la ou les langue(s) qui est/sont ajoutée(s)] ;20 l’insertion àPage 59l’acte d’adhésion d’un précepte qui établit que les textes des traités cee et ceea et des traités qui les ont modifiés ou complétés, y compris les traités des élargissements précédents, établis dans la ou les langue(s) qui est/sont incorporée(s), « font foi dans les mêmes conditions » que les textes de ces traités établis dans les langues actuelles ;21 l’adaptation des règlements nº 1 du Conseil, du 15 avril 1958, remplaçant le texte de l’article premier par un nouveau texte qui intercale le nom de la ou des nouvelle(s) langue(s) qui acquiert/èrent la condition de langue officielle et de travail ;22 la traduction et la publication dans la ou dans les nouvelle(s) langue(s) officielle(s) des textes du droit dérivé qui avaient été adoptées avant les adhésions et qui sont en vigueur au moment de celles-ci.23

Le résultat du processus décrit est que, à l’heure actuelle, le nombre des langues officielles et de travail de l’Union européenne est de onze. C’est ce qui ressort de la dernière rédaction donnée à l’article premier des deux règlements nº 1 du Conseil, du 15 avril 1958. L’article premier des règlements dispose textuellement que :

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Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’allemand, l’anglais, le danois, l’espagnol, le finnois, le français, le grec, l’italien, le néerlandais, le portugais et le suédois

.

La substitution dans la dernière rédaction de l’article premier des règlements nº 1 du Conseil des mots « de la Communauté » par les mots « de l’Union », que nous avons déjà signalée dans la note 22 supra, met en évidence et confirme la prise en charge par l’Union européenne du régime linguistique des Communautés européennes.24

Le maintien du critère de fixation des langues officielles et de travail mentionné ci-dessus explique que le luxembourgeois ne se voit pas reconnaître le statut de langue officiel et de travail des institutions communautaires, malgré sa reconnaissance comme langue officielle dans l’ensemble du Luxembourg.25

D’autre part, le traitement —usage indifférent mais non simultané— que les formes Bokmål et Nynorsky du norvégien auraient reçu si la Norvège avait adhéré à l’Union européenne,26 et la prévision contenue dans le protocole sur l’utilisation de termes spécifiquement autrichiens de la langue allemande dans le cadre de l’Union européenne,27 ne représentent que des nuances au critère général de fixation des langues officielles et de travail des institutions défini auparavant.

Enfin, le critère formulé empêche les langues de portée régionale, comme nous le savons déjà, d’obtenir la condition de langue officielle et de travail. Quant à ces langues-là, aucun statut ne leur est conféré. Du fait que lePage 61droit communautaire accroît sans cesse son incidence sur les secteurs et les activités les plus divers, l’absence de prévisions communautaires quant aux langues de portée régionale peut difficilement s’accorder avec la reconnaissance, la promotion et la protection croissantes de ces langues au sein des États membres,28 notamment, il faut le souligner, quand les langues de portée régionale acquièrent le rang de langues officielles dans le territoire où elles sont parlées (voir infra). Dans la mesure où les États membres oublient les langues de portée régionale parlées au sein des Communautés, ce sont les pouvoirs régionaux qui se voient obligés à en demander la reconnaissance.29

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Toutefois, la décision appartient aux États, dans la mesure où il correspond au Conseil de fixer le régime linguistique, statuant à l’unanimité (art. 290 du traité ce et art. 190 du traité ceea).

Il convient de se demander, avant de continuer, pourquoi les États ne se sont pas posés la question des langues régionales pendant les négociations en vue des adhésions. La croyance ou la certitude que le nombre des langues reconnues était déjà excessif ; la difficulté de définir d’autres statuts pour les langues de portée régionale, compte tenu de la variété des situations sociolinguistiques et de reconnaissance interne de celles-ci ; la vision exclusivement étatiste des Communautés préconisée par les États ; la difficulté d’arriver au consensus sur un thème aussi complexe, celui des langues, qui requiert l’unanimité de tous les membres ; le manque d’une véritable vocation pour le multilinguisme ; tous ces aspects sont autant de facteurs qui répondent, à notre avis, à la question posée.30 De plus, après le premier élargissement, le modèle étant déjà consolidé, la règle de l’unanimité défavorise l’accord sur les positions en minorité.

II L’égalité et la hiérarchie linguistiques dans l’Union européenne

Aujourd’hui, il résulte du processus décrit une stratification ou une hiérarchie linguistique dont, conformément au niveau de reconnaissance obtenu, la strate la plus élevée est composée des onze langues officielles et de travail des institutions de l’Union ; la couche suivante, de l’irlandais ; la troisième, du luxembourgeois ; la quatrième, de certaines des langues qui ne sont officielles que dans une partie du territoire des États membres ; et, finalement, le cinquième niveau, en dessous des autres, qui est constitué de toutes les autres langues parlées historiquement au sein de l’Union européenne. En outre, même en ce qui concerne les langues officielles et de travail des institutions de l’Union, une certaine hiérarchie linguistique apparaît, du fait que l’égalité proclamée devient, de facto ou de jure, un traitement inégal. Pour mieux comprendre la hiérarchie linguistique, nous examinerons ci-dessous les conséquences et les effets qui découlent, dans la perspective communautaire, de chaque niveau de reconnaissance.

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II 1.Les langues officielles et de travail des institutions de l’Union
II 1.1. Les langues officielles et de travail des institutions des Communautés européennes et de l’Union. L’égalité de jure, et l’inégalité de facto

En ce qui concerne les onze langues officielles et de travail des institutions des Communautés et de l’Union,31 nous savons déjà que les textes des traités communautaires établis dans chacune de ces langues font « également foi ».

D’autre part, les règlements nº 1, eux-mêmes, après avoir fixé les langues officielles et de travail des institutions, prennent soin de préciser les conséquences et les effets de cette détermination, qui consistent en : l’obligation pour les États membres et les personnes relevant de la juridiction d’un État membre de rédiger dans l’une des langues officielles, à leur choix, les textes adressés aux institutions. La réponse des institutions devant être rédigée dans la même langue (art. 2) ; l’obligation de rédiger les textes adressés par les institutions à un État membre, ou à une personne relevant de la juridiction d’un État membre, dans la langue de cet État (art. 3) ; la nécessité de rédiger dans les onze langues officielles « Les règlements et les autres textes de portée générale » (art. 4) ; et, finalement, la mission de publier le Journal officiel des Communautés européennes « dans les onze langues officielles » (art. 5).32 Ces conséquences et ces effets montrent l’égalité de jure des onze langues, et montrent aussi l’importance pour les langues de se voir reconnaître le caractère de langue officielle et de travail des institutions.33

En plus, en ce qui concerne le régime linguistique des institutions, les règlements nº 1 ajoutent dans l’article 6 que :

Les institutions peuvent déterminer les modalités d’application de ce régime linguistique dans leurs règlements intérieurs

.34

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Faisant usage de cette habilitation, qui ne permet évidemment en aucun cas d’adopter des mesures contraires aux règlements nº 1,35 le Conseil, la Commission et le Parlement européen ont établi dans leurs règlements intérieurs des règles linguistiques destinées à adapter le régime linguistique général aux exigences particulières que leur fonctionnement impose. Ces règles, qui cherchent à garantir le respect des règlements nº 1 dans la procédure d’adoption des actes et des accords, tendent à assurer l’égalité des onze langues officielles et de travail.36 En pratique, l’égalité des langues officielles et de travail, qui est une exigence de jure, en particulier une exigence des règlements nº 1, n’est pas vraiment toujours respectée de facto, spécialement pour certaines tâches du Conseil et de la Commission,37 ce qui a provoqué dans certains cas l’intervention de la Cour de justice.38

La Cour de justice des Communautés européennes, en tant qu’institution des Communautés, est aussi soumise au régime linguistique général. En ce qui concerne le régime linguistique de la procédure de la Cour, il faut signaler que cette institution jouit d’une remarquable autonomie pour fixer dans son règlement de procédure le régime linguistique de celle-ci,Page 65comme il résulte de l’article 7 des règlements nº 1.39 La complexité du régime linguistique de la procédure est une conséquence de la singularité de la Cour. Ne pouvant pas ici traiter des détails, il nous suffira de mention- ner que les langues de procédure sont toutes les langues officielles des institutions des Communautés plus l’irlandais.40

Pour compléter le cadre linguistique des institutions communautaires nous devons encore citer l’alinéa 3 de l’article 21 du traité CE, qui se lit comme suit : « Tout citoyen de l’Union peut écrire à toute institution ou organe visé au présent article ou à l’article 7 dans l’une des langues visées à l’article 314 et recevoir une réponse rédigée dans la même langue ».41

Cet alinéa, qui a été enchâssé par le traité d’Amsterdam dans l’ancien article 8 D du traité ce, introduit une règle linguistique matérielle qui ressemble à celle qui a été formulée par l’article 2 des règlements nº 1. Ce- pendant, le nouvel alinéa mérite certaines remarques par rapport à l’article 2 des règlements. Ainsi, en premier lieu, la question de l’identité ou non des sujets privés concernés : « Tout citoyen de l’Union », selon le traité ; les « personne[s] relevant de la juridiction d’un État membre », conformément aux règlements nº 1.42 En second lieu, la reconnaissance linguistique de l’article 21, alinéa 3, du traité ce est traitée d’une manière similaire, voi-Page 66re identique, à la reconnaissance d’un droit : le « droit » de tout citoyen de l’Union d’écrire dans l’une des langues visées à l’article 314 et de recevoir une réponse dans la même langue.43 En troisième lieu, et il nous semble essentiel de le souligner, les langues concernées par l’article 21, alinéa 3, du traité ce sont les langues visées à l’article 314 du même traité, c’est-à-dire les onze langues officielles et de travail plus l’irlandais. Il s’agit de la nouveauté la plus importante : en vertu de ce nouvel alinéa 3 de l’article 21 du traité ce, l’irlandais devient une langue quasi-officielle.44

Enfin, il est à noter que l’article 21, alinéa 3, outre le fait qu’il vise toutes les institutions, vise aussi le médiateur, le Comité économique et social et le Comité des régions.

À notre avis, cette circonstance nous confirme que ces trois organes sont liés par le contenu des règlements nº 1 ou par les principes qui se dégagent de ceux-ci, bien qu’il ne s’agisse pas de véritables institutions. Il semble tout à fait logique que les trois organes visés doivent obéir au régime linguistique des institutions, compte tenu du fait que les comités doi- vent assister les institutions et que la mission du médiateur, qui exerce ses fonctions en toute indépendance, est de décider quant aux plaintes relatives à des cas de mauvaise administration dans l’action des institutions ou des organes communautaires, à l’exclusion de la Cour de justice et du Tribunal de première instance dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles. Rien d’étonnant, donc, à ce que, dans la décision du médiateur européen portant adoption de dispositions d’exécution, adoptée le 16 octobrePage 671997 (JOCE, L 202/104, du 2 août 1999), on trouve, par exemple, sur le régime linguistique, ce qui suit : « 1. Une plainte peut être présentée au médiateur dans l’une quelconque des langues officielles de l’Union européenne. Le médiateur n’est pas tenu d’examiner les plaintes qui lui sont présentées dans d’autres langues [...] » (art. 14) ;45 ou encore, que « Le rapport annuel, les rapports spéciaux et, dans la mesure du possible, les autres documents publiés par le médiateur sont établis dans toutes les langues officielles » (art. 14.5), ce qui n’est déjà plus une exigence matérielle de l’article 21, alinéa 3, du traité ce.

II 1.2. Les langues officielles et de travail des institutions dans les organes ou agences des Communautés européennes : de l’égalité de jure à l’inégalité de jure de ces langues

L’obligation du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur de respecter le régime linguistique des institutions des Communautés nous pose la question délicate de savoir si tous les autres organes des Communautés sont aussi visés par les règlements nº 1. La réponse à cette question va nous permettre aussi de répondre à une question que nous avions auparavant laissée ouverte : est-il juste de parler des onze langues officielles et de travail des Communautés et de l’Union quand, en réalité, les règlements nº 1 fixent les langues officielles et de travail des institutions des Communautés et de l’Union ? Évidemment, la réponse ne sera affirmative que si le régime linguistique des règlements nº 1 s’étend à tous les organes et agences des Communautés et de l’Union.

Bien sûr, il n’est pas possible d’analyser maintenant tous les organes ou agences —une telle tâche dépasserait le but de ce travail— mais, pour répondre à la question posée, il nous suffira d’examiner, parmi la multitude d’organes qui existent, les régimes linguistiques de la Banque centrale européenne et de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles).

La Banque centrale européenne est un organe communautaire singulier, qui est prévu dans les traités et dont la nature ressemble à la nature juridique des institutions communautaires (d’où le fait que la Banque centrale est considérée comme une quasi-institution). Cependant, deux Page 68caractéristiques la distinguent des institutions : le fait qu’elle possède une personnalité juridique et le fait que son but soit spécifique.

Son régime linguistique se trouve à l’article 17 du règlement intérieur de la Banque centrale européenne, règlement modifié le 22 avril 1999. En ce qui concerne les instruments juridiques de la Banque centrale, le règlement établit que les orientations et les instructions de la Banque sont notifiées dans l’une des langues officielles des Communautés européennes. Par contre, les orientations et les instructions devant faire l’objet d’une publication officielle ou de la publication au Journal officiel des Communautés européennes sont traduites dans toutes les langues officielles des Communautés. Les règlements et les instruments juridiques dont la publication a été expressément décidée sont aussi publiés au Journal officiel des Communautés européennes dans toutes les langues officielles des Communautés.46 Quant à l’ensemble des actes juridiques, l’article 17.8 dit textuellement ceci : « Les principes énoncés par le règlement nº 1 du Conseil du 15 avril 1958 s’appliquent aux actes juridiques de la bce prévus à l’article 34 des statuts ». L’article s’en remet aux principes, mais non au règlement nº 1 dans sa totalité ; en outre, ce renvoi est fait aux actes juridiques énumérés à l’article 34 des statuts, c’est-à-dire seulement aux actes juridiques qui ont des effets externes et qui doivent être notifiés ou publiés.47 En résumé, à la Banque centrale européenne seule une langue de travail est garantie et seuls certains instruments juridiques et certains actes (les règlements, les décisions, les recommandations, les avis, les amendes et les astreintes) bénéficient des principes énoncés par le règlement nº 1. La langue de travail de la Banque centrale est l’anglais, selon ce qu’elle a, elle-même, expressément reconnu.48 En définitive, le rè-Page 69glement intérieur de la Banque centrale européenne distingue de jure, et non seulement de facto, entre les langues officielles et les langues de travail, tout en établissant une hiérarchie linguistique. L’anglais, la langue mondiale des affaires, se profile ainsi comme la première langue de l’Union européenne.49

L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) est un organe communautaire personnalisé de nature tout à fait différente, étant donné qu’il a été créé par le droit communautaire dérivé [le règlement (CE) nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire]. Tandis que le régime linguistique de la Banque centrale fait, de jure, une dissociation ou une séparation entre les langues officielles et les langues de travail, en réduisant au minimum ces dernières, le régime linguistique de l’Office représente une rupture majeure : la rupture, de jure, de l’égalité entre les langues officielles.

En effet, l’article 115 du règlement (ce) nº 40/94 du Conseil dit que les langues de l’Office sont l’allemand, l’anglais, l’espagnol, le français et l’ita- lien, après avoir établi que les demandes de marque communautaire peu- vent être déposées dans l’une des langues officielles de la Communauté européenne. Le demandeur doit indiquer une deuxième langue, qui est une langue de l’Office et dont il accepte l’usage comme langue éventuelle de procédure pour les procédures d’opposition, de déchéance et d’annulation. Des règles complexes destinées à la détermination de la langue de procédure pour les trois procédures ci-dessus mentionnées complètent l’article 115. Ces règles favorisent le fait que la langue de procédure soit habituellement l’une des cinq langues de l’Office.50

L’article 115 a été l’objet de nombreuses critiques, soit pour des raisonsPage 70de légalité, soit pour des raisons d’opportunité.51 Certains auteurs ont soutenu que la restriction des langues officielles de l’article 115 du règlement nº 40/94 est contraire au droit communautaire primaire étant donné qu’elle enfreint le principe d’égalité des langues officielles. Cependant, le Tribunal de première instance a eu l’occasion de se prononcer sur cette question et de déclarer que l’égalité des langues officielles n’est pas un principe de droit communautaire et que, par conséquent, l’article 115 du règlement nº 40/94 ne viole pas le traité ce. Selon le Tribunal, « [s]outenir, comme le fait la requérante, que le règlement nº 1 exprime précisément un principe de droit communautaire d’égalité des langues auquel il ne peut pas être dérogé, pas même par un règlement ultérieur du Conseil, équivaudrait à méconnaître sa nature de droit dérivé ».52 Immédiatement après, le Tribunal rappelle en plus que les « États membres n’ont pas fixé, dans le traité, un régime linguistique pour les institutions et organes de la Communauté »,53 et il ajoute encore que « l’article 217 du traité laisse la possibilité au Conseil, statuant à l’unanimité, de fixer et de modifier le régime linguistique des institutions et d’établir des régimes linguistiques divergents » (point 58). L’article 115 du règlement nº 40/94 est justement un de ces régimes linguistiques divergents. En conséquence, l’identification entre les langues officielles et de travail des institutions et les langues officielles et de travail de l’Union n’est pas vraiment exacte.54 Il en résulte que le caractère sacré du principe d’égalité des langues officielles était un mythe, que le Tribunal de première instance a, pour l’instant, fait tomber.55

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La prolifération des organes ou agences n’est pas étrangère à la crise de l’égalité des langues officielles. Bien au contraire, les considérations d’efficacité qui y prévalent favorisent la réduction du nombre de langues utilisées.56 Si la réduction des langues de travail est certainement souhaitable, nous ne pouvons pas dire la même chose pour les langues officielles, étant donné que la sécurité juridique et la non-discrimination pourraient être enfreintes. Cependant, la réduction des langues officielles serait peut-être admissible dans le cas de procédures sur des secteurs ou des activités très spécialisés ou de technologie complexe, qui visent habituellement des personnes morales et pas la généralité des citoyens européens.

II 2.La langue irlandaise

Le second niveau de la hiérarchie est constitué de l’irlandais. La reconnaissance de cette strate comprend les aspects mentionnés ci-dessous. En premier lieu, la reconnaissance pour certaines normes juridiques d’une version en langue irlandaise à laquelle il est attribué la même valeur authentique qu’aux versions publiées dans les langues officielles. Parmi les normes dont le texte en irlandais fait « également foi » dans l’ordre juridique communautaire se trouvent les traités ce, ceea, ue, d’Amsterdam et de Nice, l’aue, les traités qui les ont modifiés, complétés ou adaptés, y compris les traités relatifs aux adhésions aux Communautés, ainsi que d’autres instruments ou actes de droit primaire, et, en marge du droit primaire, à remarquer les règlements de procédure de la Cour de justice des Communautés européennes et du Tribunal de première instance, qui disposent aussi d’une version authentique en irlandais. En second lieu, l’édition sporadique des exemplaires du Journal officiel des Communautés européennes en langue irlandaise, malgré le fait qu’elle ne soit pas incluse parmi les langues dans lesquelles, étant donné qu’elles sont langues officielles et de travail, doit paraître le Journal officiel des Communautés européennes selon l’article 5 des règlements nº 1 du Conseil, du 15 avril 1958. En principe, ces exemplaires en langue irlandaise du Journal officiel sont destinés à contenirPage 72la version irlandaise des dispositions dont le texte en irlandais fait « également foi » dans l’ordre juridique communautaire.57 En troisième lieu, la reconnaissance de l’irlandais comme langue de procédure de la Cour de justice et du Tribunal de première instance.58 En quatrième lieu, son incorporation, conjointement aux langues officielles, dans les programmes linguistiques institués par les Communautés. Finalement, en cinquième lieu, la reconnaissance de l’irlandais comme une des langues dans lesquelles tout citoyen de l’Union peut écrire aux institutions, au médiateur, au Comité économique et social et au Comité des régions, et recevoir une réponse rédigée dans cette même langue. Comme nous l’avons indiqué auparavant, cette dernière reconnaissance, introduite par le traité d’Amsterdam et qui nous semble capitale, fait de l’irlandais une langue quasi-officielle.

II 3.Le luxembourgeois

La reconnaissance est moindre en ce qui concerne le luxembourgeois, l’autre langue officielle dans l’ensemble d’un État qui ne dispose pas de ce caractère dans les institutions des Communautés. Le luxembourgeois constitue le troisième niveau dans la hiérarchie linguistique communautaire. Dans le cas du luxembourgeois, seule est remarquable son inclusion automatique dans les programmes linguistiques des Communautés.

II 4.Les langues européennes autres que les langues officielles et de travail de l’Union qui sont officielles dans une partie du territoire des États membres

Quant aux langues européennes autres que les langues officielles et de travail de l’Union qui sont officielles dans une partie du territoire d’un État membre, la reconnaissance n’est, pour l’essentiel, que simplement symbo-Page 73lique. Par exemple, dans le cas du catalan, qui est la langue régionale officielle la plus reconnue, la reconnaissance est limitée, principalement, à la ré- solution du Parlement européen, du 11 décembre 1990, sur la situation des langues dans la Communauté et celle de la langue catalane.59 Conformément à cette résolution, le Parlement européen a accordé de demander au Conseil et à la Commission d’œuvrer pour atteindre certains objectifs destinés à favoriser l’usage du catalan dans certaines activités communautaires.60 La vérité est que cette résolution du Parlement, à laquelle il manque une force contraignante pour le Conseil et la Commission, a été peu suivie.61

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En ce qui concerne les langues régionales officielles, le fait de ne pas se voir reconnaître la condition de langue officielle de l’Union européenne entraîne des dérogations sérieuses des droits linguistiques reconnus par les législations internes. En effet, en tant que langues officielles dans la région, les citoyens ont le droit de les utiliser, par exemple, dans les procédures administratives devant les autorités régionales. Cependant, il y a desPage 75normes communautaires qui établissent que les langues devant être utilisées dans certaines procédures administratives communautaires sont seulement les langues officielles des Communautés. Dans ces cas-là, s’il advient, en raison du partage interne des compétences entre l’État et la région, que la procédure relève de l’administration régionale, les citoyens, à cause de l’exigence communautaire, ne pourront pas utiliser la langue régionale de la région : ils devront nécessairement utiliser la langue officielle de l’État. La langue officielle de la région se voit donc déroger, dans le territoire régional, son caractère officiel.

Comme exemple intéressant de ce phénomène nous pouvons citer ici les conséquences linguistiques de l’application en Catalogne de la norme communautaire en matière de contrôle métrologique ce.62 Cette application pose un problème de grand intérêt du point de vue juridique, étant donné que le point 1.1 de l’annexe I de la directive 71/316/CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux dispositions communes aux instruments de mesurage et aux méthodes de contrôle métrologique, va à l’encontre de l’article 3 de la Constitution espagnole. En réalité, la question qui se pose est celle de la portée et des limites du principe de la primauté du droit communautaire : en d’autres termes, si la directive peut l’emporter sur la co-officialité constitutionnellement reconnue ; ou encore, plus exactement, si la règlePage 76linguistique de la directive reste dans les limites des compétences transférées par l’Espagne à la Communauté. Bien que la règle linguistique de la directive soit probablement incontestable, l’exemple catalan nous montre qu’il faut se poser la question des limites du principe de la primauté de l’ordre juridique communautaire et de la nécessité que le droit communautaire soit capable de corriger lui-même les effets nocifs que ce principe provoque aux droits légitimes qui sont reconnus aux citoyens par les droits nationaux.63

Les langues régionales officielles posent une autre question intéressante, à savoir : si l’exigence de leur connaissance dans la couverture des postes vacants des administrations régionales et des collectivités locales est compatible avec le principe de la libre circulation des travailleurs que le traité ce consacre.

La seule mesure du droit communautaire qui relie les connaissances linguistiques avec la libre circulation des travailleurs se trouve dans le règlement nº 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté. Selon l’article 3, paragraphe 1, deuxième tiret, de ce règlement, sont contraires à la libre circulation les dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou les pratiques administratives d’un État membre « qui, bien qu’appli- cables sans acception de nationalité, ont pour but ou effet exclusif ou principal d’écarter les ressortissants des autres États membres de l’emploi offert ». Le dernier alinéa de cet article 3, paragraphe 1, précise cependant que celle-ci « ne concerne pas les conditions relatives aux connaissances linguistiques requises en raison de la nature de l’emploi à pourvoir ». C’està-dire que si l’État démontre que les exigences linguistiques sont nécessaires étant donné la nature de l’emploi à pourvoir, il n’existe alors aucune objection à leur établissement. En conséquence, la limite imposée à l’établissement de connaissances linguistiques par les administrations publiques n’a pas une grande portée : pour que les connaissances requisesPage 77soient légitimes, il suffit qu’elles soient nécessaires en raison de la nature de l’emploi à pourvoir. De plus, l’article 3 se réfère uniquement aux dispositions publiques qui régissent l’emploi privé.64

L’absence, apparente, de l’emploi public dans le règlement est la conséquence de l’article 39, paragraphe 4, du traité ce (ex-art. 48.4), qui stipule que le principe de la libre circulation des travailleurs ne s’applique pas « aux emplois dans l’administration publique ». En conséquence, les exigences linguistiques paraissent dans le cas des emplois publics parfaitement légitimes.65 Cependant, à l’heure actuelle, avec l’interprétation restrictive que successivement la Cour de justice des Communautés européennes a donnée à l’expression « emplois dans l’administration publique »,66 la limite de l’article 3 du règlement 1612/68 —selon lequel la nature de l’emploi à pourvoir doit justifier les connaissances linguistiques requises— est devenue applicable pour de nombreux emplois des administrations publiques des États membres. C’est donc pour ces emplois des administrations publiques que se pose en réalité la question formulée.

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Du fait que les citoyens se voient reconnu le droit de choisir entre les langues officielles dans leurs rapports avec les administrations publiques et dans la mesure où ces langues sont celles que les administrations peuvent utiliser dans leur activité interne, il nous semble tout à fait évident que l’exigence de la connaissance des langues officielles (de l’État et de la région) est pleinement justifiée dans tous les cas où le niveau de cette connaissance requise est raisonnable et proportionnel aux besoins qui découlent du poste vacant. C’est-à-dire que, dans tous ces cas-là, les exigences linguistiques seraient respectueuses de la libre circulation des travailleurs.

L’affaire Groener67 est, à ce jour, le seul cas dans lequel la Cour de justice a dû décider si l’exigence de connaissances linguistiques pour couvrir des postes dans des institutions publiques enfreint ou non la libre circulation des travailleurs. Dans les termes de la Cour, « [u]n poste permanent de professeur exercé à plein temps dans les institutions publiques d’enseignement professionnel [le poste vacant en l’espèce était un poste de professeur] est un emploi de nature à justifier l’exigence de connaissances linguistiques, au sens de l’article 3, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement nº 1612/68 du Conseil, pour autant que l’exigence linguistique en cause s’inscrive dans le cadre d’une politique de promotion de la langue nationale qui est, en même temps, la première langue officielle, et que cette exigence soit mise en œuvre de façon proportionnée et non discriminatoire ».68

Si nous avons reproduit le dispositif de l’affaire Groener, c’est parce que celui-ci pourrait nous amener à une fausse conclusion qu’il faut dissiper : les exigences linguistiques seraient légales dans le seul cas des langues régionales qui sont des langues nationales et qui sont, en même temps, la première langue officielle. En réalité, cette conclusion erronée serait beau- coup plus restreinte que la limite de l’article 3 du règlement 1612/68, limite qui consiste, comme nous le savons déjà, en le seul fait que la nature de l’emploi doit justifier les connaissances linguistiques requises. Pourquoi la Cour est-elle allée alors aussi loin dans l’affaire Groener ? Pourquoi ne se borne-t-elle pas à constater si le poste permanent de professeur est un emploi de nature à justifier l’exigence de l’irlandais ? La réponse aux deux questions est très simple. En l’espèce, le poste de professeur ne justifiait pas l’exigence de la connaissance de l’irlandais. On lit dans l’arrêt que « l’enseignement de l’art, comme celui de la plupart des autres matières en-Page 79seignées dans les écoles publiques d’enseignement professionnel, est prodigué essentiellement, voire exclusivement en langue anglaise ».69 Alors, comment justifier l’exigence de l’irlandais ? La Cour de justice, qui voulait sauver l’exigence linguistique, doit recourir à la situation particulière de l’irlandais (langue nationale, première langue officielle) pour soutenir que son exigence est justifiée « en raison de la nature de l’emploi à pourvoir », au sens de l’article 3, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement nº 1612/68, précité.70 En définitive, la solution de la Cour est une solution très singulière, valable uniquement dans ce cas d’espèce.

Quant aux exigences linguistiques, il doit être possible de faire la preuve des connaissances linguistiques dans les concours grâce à une épreuve spécifique, sauf pour les cas de candidats qui peuvent en attester grâce à un diplôme. Par contre, il n’est pas possible de limiter cette preuve à la seule possession d’un diplôme parmi un nombre réduit de diplômes reconnus. Une telle limitation va à l’encontre de la libre circulation des travailleurs (art. 39 traité ce, ex-art. 48, modifié).71

En ce qui concerne les langues régionales officielles,72 il convient aussi d’indiquer que celles-ci sont souvent l’objet de discrimination de la part du droit communautaire dérivé. La règle quant à la langue des mentions d’étiquetage des denrées alimentaires qui a été introduite par la directive 97/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, modifiant la directive 79/112/CEE relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard, en constitue un bonPage 80exemple.73 Ainsi, il est difficile, par exemple, d’imaginer que l’imposition du catalan pour les mentions obligatoires des denrées alimentaires commercialisées en Catalogne soit une mesure d’effet équivalent aux restrictions quantitatives à l’importation, interdite par l’article 28 (ex-art. 30, modifié) du traité ce.74 Et ce serait difficile à imaginer, parce que le nombre de locuteurs du catalan est bien supérieur à celui de certaines langues officielles des institutions de l’Union (le danois et le finnois), et à celui des langues officielles de nombreux États candidats pour une Union à 25 États membres (voir la note 86 infra, et les tableaux à la fin de l’étude). La règle introduite par la directive 97/4/ce a été recueillie dans l’article 16, paragraphe 2, de la nouvelle directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard, directive qui abroge les directives 79/112/cee et 97/4/ce.

II 5.Les autres langues parlées historiquement au sein de l’Union européenne

Quant aux autres langues régionales ou minoritaires parlées historiquement au sein de l’Union européenne, la reconnaissance est aussi pratiquement inexistante. Elle se limite à des résolutions du Parlement encourageant la protection de ces langues, résolutions dont la portée est très limitée, étant donné leur caractère non obligatoire pour les États. Comme résultats plus saillants de cette préoccupation pour les langues régionales ou minoritaires, on peut signaler que, fondé sur les résolutions du Parlement européen en faveur des langues et cultures minoritaires, la Commission a géré un poste budgétaire (B3-1006) destiné à favoriser ces langues. Cependant, ce poste budgétaire a été récemment paralysé à cause de la ju-Page 81risprudence de la Cour de justice. Selon la Cour, toute dépense communautaire nécessiterait une double base légale, à savoir son inscription au budget et, en règle générale, l’arrêt préalable d’un acte de droit dérivé autorisant la dépense en question.75 Pour le moment, c’est l’absence de cet acte de droit dérivé autorisant la dépense qui empêche la Commission de gérer des crédits budgétaires destinés à favoriser les langues régionales.76 Il vaut aussi la peine de mentionner la création du Bureau européen pour les langues moins répandues, du réseau Mercator et le fait que la Commission a demandé divers rapports sur les langues minoritaires.77

La faible action communautaire en faveur des langues régionales ou minoritaires a été justifiée par le manque de compétences des institutions européennes en cette matière, ce qui les empêche d’approuver des dispositions engageantes pour les États membres. Cependant, l’article du traité ce relatif à la culture qui dispose que la Communauté « contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diver- sité nationale et régionale » (art. 151 du traité ce, ex-art. 128) pourrait probablement faciliter l’adoption par les institutions communautaires d’une ou plusieurs mesures plus énergiques en faveur des langues régionales ouPage 82minoritaires. Sur la base de cet article, l’autorité législative communautaire pourrait probablement adopter l’acte de base autorisant l’octroi de subventions en faveur de projets européens destinés à favoriser ces langues. Toutefois, l’adoption de l’acte de base au travers de l’article 151 ne sera pas facile du fait que cet article impose au Conseil de statuer à l’unanimité.

III Faire tomber le mythe de l’égalité des langues et repenser la hiérarchie linguistique : vers la réduction des inégalités

Bien que l’Union européenne se vante souvent de son respect de l’égalité des langues et de son multilinguisme approfondi, la réalité est que l’ordre juridique communautaire encourage, de facto et de jure, l’existence d’une véritable hiérarchie parmi les langues qui sont parlées au sein de l’Union. En conséquence, une véritable inégalité des langues est établie, inégalité que le droit communautaire accroît par rapport à la réalité sociale de celles-ci. Ce phénomène se produit surtout en ce qui concerne les langues régionales ou minoritaires, langues qui sont à peu près inexistantes pour l’ordre juridique communautaire.

En réalité, les Communautés, ou l’Union, n’ont jamais élaboré une véritable politique linguistique. La politique linguistique des Communautés et de l’Union a toujours été adoptée de façon circonstancielle ou trop sectorielle. Certains programmes communautaires pourraient constituer l’embryon d’une politique linguistique communautaire,78 mais seules les langues officielles les plus répandues bénéficient habituellement de la majorité de ces programmes, bien qu’ils soient destinés à favoriser le multilinguisme communautaire.79 D’autre part, une réflexion d’ensemble a en général été absente, ce qui n’est pas surprenant étant donné que les États n’ont pas accordé aux Communautés ni à l’Union de compétences en matière linguistique.80 Le résultat, selon ce que nous avons eu l’occasion dePage 83constater, est la présence d’un mythe (le mythe de l’égalité des langues officielles et de travail), et l’établissement d’une hiérarchie très accusée.

L’élargissement des Communautés prévu pour 2004 et les travaux de la Convention européenne81 sont à notre avis une occasion magnifique pour réfléchir sur la politique linguistique de l’Union,82 et corriger la hiérarchie linguistique actuelle qui manque de toute proportion. Bien sûr, l’égalité absolue entre toutes les langues est impossible. Néanmoins, cette circonstance ne signifie pas que la hiérarchie linguistique doive nécessairement devenir si inégale que, par exemple, une langue parlée par plus de 6 millions de locuteurs soit quasi-inexistante pour l’ordre juridique communautaire.83

Le multilinguisme de l’Union européenne ne peut se limiter à la seule reconnaissance des langues qui ont un statut de langue officielle sur l’ensemble du territoire d’un État membre. Cette reconnaissance est indispen- sable afin de garantir que les textes du droit communautaire susceptibles de produire un effet direct soient publiés de manière compréhensible par tous les citoyens des États membres. Cependant, il faut aussi trouver pour les langues autres que les langues officielles des institutions de l’Union un statut proportionnel et adéquat, et cette reconnaissance ne doit pas se limiter à l’irlandais et au luxembourgeois. Étant donné que la lutte pour la survie des langues régionales ou minoritaires dans les contextes nationaux devient plus difficile avec l’addition de la dimension européenne,84 l’Union devrait adopter des mesures plus effectives pour les protéger.85 L’Union européennePage 84ne peut pas s’enorgueillir d’être multilingue du fait de la reconnaissance des langues qui ont un statut de langue officielle sur l’ensemble du territoire d’un État membre. Cette reconnaissance est une exigence des principes de la sécurité juridique et d’égalité ou de non-discrimination et, par conséquent, elle n’exprime pas nécessairement une volonté multilingue.

Le maintien du critère fondé sur le statut de langue officielle sur l’ensemble du territoire d’un État membre conduira, à partir des nouvelles adhésions prévues,86 à la reconnaissance totale de nombreuses langues quiPage 85ont un nombre de locuteurs semblable, ou même inférieur, à celui des locuteurs de certaines des langues qualifiées de « régionales ».87 Il s’agit du phénomène que nous connaissons déjà maintenant pour le catalan. Voilà une autre raison pour que l’Union reconnaisse les langues régionales ou minoritaires de façon proportionnée.

Pour terminer, nous tenterons de faire des considérations destinées à corriger les abus les plus graves de la hiérarchie linguistique communautaire.

IV Considérations finales

La sécurité juridique exige que le critère appliqué jusqu’au moment présent pour décider des langues qui acquièrent la condition de langue officielle des institutions de l’Union soit maintenu, même pour les pays candidats à l’adhésion.88 La réduction du nombre des langues officielles obligerait les États concernés à traduire les dispositions et les actes destinés à leurs citoyens, ce qui supposerait un simple transfert du coût, mais au préjudice, ajouté, du manque de fiabilité des normes et au risque d’altérer, avec la dispersion des centres de traduction, l’application uniforme du droit communautaire. Probablement, la seule forme possible permettant de réduire le « lourd » multilinguisme de l’Union consisterait à établir une distinction entre les langues officielles et les langues de travail, afin de réduire résolument ces dernières.89 Bien que les États s’opposent radicalement à cette mesure pour des raisons politiques, les adhésions prévues justifient de l’adopter.90 L’adoption de l’une des langues officielles commePage 86lingua franca de l’Union, s’il est vrai qu’elle résoudrait de nombreux problèmes linguistiques, est une option qui rencontre d’importantes difficultés. En laissant à part celle qui consiste à décider laquelle des onze langues devrait acquérir cette fonction, la mesure ne pourrait acquérir ses pleins effets avant que la population européenne n’atteigne, au travers de l’enseignement, une connaissance généralisée de cette langue. D’autre part, cette mesure réductionniste aurait probablement de graves conséquences culturelles, ébranlant sensiblement le pluralisme linguistique et culturel qui caractérise aujourd’hui l’Europe communautaire.

En ce qui concerne les langues non officielles des institutions de l’Union, les institutions européennes devraient faire de sérieux efforts pour en garantir la conservation. Il ne faut pas oublier que leur exclusion de la condition de langue officielle et de travail aggrave les conditions de survie, déjà difficiles, du fait de leur situation de langue habituellement moins répandue. Pour assurer leur continuité, et diminuer les effets nocifs dont l’intégration européenne est à l’origine, les institutions européennes devraient prendre en compte, entre autres, les mesures suivantes :91 a) faire en sorte de ne pas établir de différences de régime dans le droit dérivé entre les langues officielles et les langues non officielles, sauf lorsque c’est indispensable ;92 b) inclure de manière proportionnée les langues non officielles, afin de ne pas opérer dePage 87discriminations, dans les programmes linguistiques européens qui ont pour but l’apprentissage et la diffusion des langues pour favoriser la communication entre les citoyens de l’Union ;93 c) éviter les discriminations à rebours, en garantissant aux ressortissants membres d’une minorité linguistique d’un État membre de se voir toujours reconnaître, au moins, les droits linguistiques que ce même État reconnaît, comme conséquence de l’application des principes du droit communautaire, aux ressortissants d’un autre État membre ; d) favoriser l’adoption de mesures destinées à éviter, dans la me- sure du possible, que les exigences linguistiques dérivées du droit communautaire provoquent des dérogations ou des obstacles à l’exercice des droits linguistiques reconnus par les législations internes en faveur des locuteurs de langues européennes non officielles de l’Union ;94 e) admettre la concession d’aides économiques par les États pour la protection des langues minoritaires, lorsqu’elles seront raisonnables et proportionnées,95 et procéder directement à l’adoption de mesures de soutien économique destinées à protéger et promouvoir l’emploi des langues régionales ou minoritaires ;96 et f ) inclure, pour certaines activités communautaires, les langues européennes non officielles de l’Union ayant une plus grande diffusion.

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Au-delà des modifications souhaitables et appropriées des traités ce et ceea, ainsi que du traité ue, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes devrait jouer un rôle déterminant dans la réalisation des objectifs énumérés. À notre avis, le libellé actuel des articles 151 (ex-art. 128, modifié), 149 (ex-art. 126) et 87 (ex-art. 92, modifié) du traité ce permet à la Cour de faire des interprétations qui s’accordent avec les mesures indiquées. D’autre part, la Cour ne peut tourner le dos à l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui impose le respect de la diversité linguistique, malgré la nature juridique singulière de la Charte.97

Enfin, la reconnaissance des langues autres que les langues officielles de l’Union devrait fluctuer, selon l’importance de la langue, entre, d’une part, l’adoption d’un ou de plusieurs objectifs contenus dans la résolution du Parlement européen du 11 décembre 199098 et, d’autre part, l’attributionPage 89d’un statut semblable à celui dont dispose actuellement la langue irlandaise. À notre avis, c’est justement un statut semblable à celui de la langue irlandaise qui devrait en principe être octroyé au catalan, dans la mesure où celui-ci ne se voit pas reconnaître la condition de langue officielle des institutions de l’Union, qui est la condition qui devrait en réalité lui correspondre, en tant que langue parlée par plus de 6 millions de personnes, langue parlée dans trois États membres et langue officielle dans trois régions.

Le coût financier du multilinguisme communautaire est un des principaux arguments utilisés pour justifier que le principe de l’égalité des langues est devenu difficile à assumer. Bien que le coût « linguistique » représente un pourcentage considérable parmi les coûts administratifs, le coût financier des services de traduction et d’interprétation représente, en réalité, un pourcentage relativement peu élevé dans le budget global de la Communauté et un pourcentage insignifiant par rapport au Produit intérieur brut (pib) communautaire. En réalité, le coût n’arrive pas à deux euros par citoyen européen, et par an.99

L’augmentation du nombre de langues officielles comme conséquence des prochains élargissements vers le centre et l’est de l’Europe fera évidemment croître les dépenses des services linguistiques. Toutefois, comme nous l’avons déjà indiqué, la non reconnaissance des langues officielles des États candidats obligerait les États concernés à traduire les dispositions et les actes destinés à leurs citoyens, ce qui impliquerait un simple transfert du coût. La réduction des dépenses linguistiques à cause de la diminution des langues de travail et le fait que le coût du multilinguisme communautaire soit insignifiant par rapport au pib communautaire justifient, à notre avis, la prise en charge par l’Union européenne des propositions que nous venons de suggérer pour corriger les déséquilibres de la hiérarchie linguistique communautaire.100 La règle de l’unanimité des articles 290 du traitéPage 90ce (ex-art. 217) et 190 du traité ceea ne devrait pas être un obstacle. Le pluralisme politique étant cimenté, c’est maintenant le moment de garantir et de consolider le pluralisme linguistique et culturel dans l’Union européenne. Le respect de la diversité culturelle et linguistique par l’Union, que proclame l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne peut pas aller dans une autre direction. C’est la démocratie qui l’exige !

Tableau I. Nombre de locuteurs des langues de la Communauté européenne dans la Communauté européenne (en millions)


Langues officielles Langues non officielles
Allemand
Anglais
Français
Italien
Espagnol
Néerlandais
Portugais
Grec
Suédois
Danois
Finnois
87,891
60,170
59,961
57,330
38,820
21,388
10,290
9,930
8,950
5,150
4,722
Catalan
Galicien
Basque
Breton
Irlandais
Frison
Gallois
Luxembourgeois
Albanais
Écossais
Slovène
Ladin
6,470
2,472
1,071
0,900
0,700
0,500
0,482
0,367
0,090
0,079
0,053
0,030

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Tableau II. Nombre de locuteurs des langues officielles des pays adherents ou candidats (en millions)


Polonais
Roumain
Hongrois
Tchèque
Bulgare
Slovaque
Lituanien
Slovène
Letton
Estonien
Grec (Chypre)
Maltais
Turc (Chypre)

38,349
20,318
12,155
9,877
8,228
5,498
3,049
1,819
1,402
0,948
0,600
0,360
0,156


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* Cette étude correspond à la version originale française, augmentée et actualisée, présentée par l’auteur à l’atelier international Linguistic Diversity in European Law qui s’est tenu à l’European University Institute de Florence les 12 et 13 novembre 2001. Le texte a été révisé par Michel Levaillant, professeur à la Faculté de Traduction et Interprétation de Vic.

[1] . Dorénavant traité ceca. Les six États fondateurs étaient l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.

[2] . Bernard Hemblenne, « Les problèmes du siège et du régime linguistique des Communautés européennes (1950-1967) », dans Annuaire d’histoire administrative européenne, 4, Les débuts de l’administration de la Communauté européenne, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 1992, 107-143, p. 112.

[3] . Le traité est entré en vigueur le lendemain. Le protocole sur le régime linguistique de la ceca, signé le 24 juillet 1952, n’a jamais été publié dans un journal officiel. Voir Jean- François Flauss, « Article 217 », dans Vlad Constantinesco, Jean-Paul Jacqué, Robert Kovar, Denys Simon, Traité instituant la CEE. Commentaire article par article, Paris, Economica, 1992, 1355-1363, p. 1355, note 1.

[4] . Par conséquent, le régime des quatre langues, adapté aux exigences particulières de leur fonctionnement, est repris par les règlements des institutions de la Communauté : l’Assemblée, la Cour de justice et la Haute Autorité. Voir Jean-François Flauss, « Article 217 », cit., p. 1355. Quant à l’Assemblée, voir aussi Bernard Hemblenne, « Les problèmes du siège et du régime linguistique [...] », cit., p. 127-128. Cet auteur montre que la pratique en matière d’égalité linguistique était bien loin de la théorie cinq ans après la création des institutions (Ibidem, p. 136). De toute façon, le Journal officiel, dont le premier numéro porte la date du 30 décembre 1952, paraît dans les quatre langues. Voir Pierre Pescatore, Gérard Rasquin, Georges Wivenes, « Interprétation des lois et conventions plurilingues dans la Communauté européenne », Les Cahiers de Droit, vol. 25, nº 4, 1984, 989-1010, p. 991.

[5] . Voir, Bernard Hemblenne, « Les problèmes du siège et du régime linguistique [...] », cit., p. 112-113. L’auteur rappelle aussi que lors de la deuxième session de la Commission intérimaire la délégation des Pays-Bas même proposa de limiter les langues officielles au fran- çais et à l’allemand, ce qui fut refusé par toutes les autres délégations (p. 114, note 42).

[6] . Pour une vision générale du régime linguistique des Communautés, en plus des travaux cités auparavant, on pourra consulter, par exemple, Antoni Milian-Massana, « Le régime linguistique de l’Union européenne : le régime des institutions et l’incidence du droit communautaire sur la mosaïque linguistique européenne », Rivista di diritto europeo, vol. XXXV, nº 3, 1995, 485-512 ; une version augmentée, en langue espagnole, de cette étude peut aussi être consultée dans Antoni Milian i Massana, Público y privado en la normalización lingüística. Cuatro estudios sobre derechos lingüísticos, Barcelone, Atelier/Institut d’Estudis Autonòmics, 2000, p. 161-202 ; Normand Labrie, La construction linguistique de la Communauté européenne, Paris, Honoré Champion, 1993 ; Claude Truchot, « Langues et supranationalité en Europe : l’influence linguistique de l’Union européenne », dans Jacques Maurais, Michael A. Morris (dirs.), Géostratégies des langues, revue Terminogramme, nº 99- 100, 2001, 231-248 ; Anne Fosty, La langue française dans les institutions communautaires de l’Europe, Québec, Conseil de la langue française, 1985, particulièrement les pages 27-37 ; Pascale Berteloot, « Le droit à la langue de l’Union européenne », dans Erik Jayme (ed.), Langue et Droit, Bruxelles, Bruylant, 1999, 345-362 ; Robert Huntington, « European Unity and the Tower of Babel », Boston University International Law Journal, vol. 9, 1991, 321- 346 ; Florian Coulmas, « European integration and the idea of the national language », dans Florian Coulmas (ed.), A Language Policy for the European Community. Prospects and Quandaries, Berlin/New York, Mouton de Gruyter, 1991, 1-43. Bien documentée et intéressante, il existe aussi la Note du Service Juridique reprenant les éléments sur le régime juridique des langues dans l’ordre juridique communautaire qui figure en annexe V du Rapport, fait au nom de la commission des pétitions, sur la situation des langues dans les Communautés européenneset celle de la langue catalane (rapporteur/coordinateur : Mme Viviane Reding), Parlement européen, Documents de séance, 27 juin 1990, Série A, Document A3-169/90, p. 28-38.

[7] . Traité ce, à partir du traité sur l’Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992 (traité ue). Le traité ue est entré en vigueur le premier novembre 1993.

[8] . Les deux traités sont entrés en vigueur le premier janvier 1958, les États parties étant les six États membres de la Communauté européenne du charbon et de l’acier.

[9] . Les articles 217 du traité cee (devenu art. 290 du traité ce) et 190 du traité ceea disposent que : « Le régime linguistique des institutions de la Communauté est fixé, sans préju- dice des dispositions prévues dans le règlement de la Cour de justice, par le Conseil statuant à l’unanimité ». Le traité de Nice, signé le 26 février 2001, prévoit une petite modification à l’article 290 du traité ce qui consiste à substituer les mots « dans le règlement de la Cour de justice » par les mots « par le Statut de la Cour de justice » (art. 2, paragraphe 45). En outre, dans la version en langue française le traité de Nice ajoute une virgule pour séparer les mots « Conseil » et « statuant » de l’article 290. Ces modifications sont aussi faites à l’article 190 du traité ceea (art. 3, paragraphe 24, du traité de Nice). [Le traité de Nice est entré en vigueur le premier février 2003].

[10] . Les institutions de la Communauté économique européenne étaient alors une assemblée, un conseil, une commission et une cour de justice (art. 4 du traité cee, maintenant, modifié, art. 7 du traité ce) et les institutions de la Communauté européenne de l’énergie atomique étaient également une assemblée, un conseil, une commission et une cour de justice (art. 3 du traité ceea, maintenant modifié). En réalité, dès la mise en œuvre des institutions, l’Assemblée et la Cour de justice sont des institutions communes aux Communautés, y compris la Communauté européenne du charbon et de l’acier, en vertu de la Convention relative à certaines institutions communes aux Communautés européennes. La Commission de la Communauté économique européenne et celle de la Communauté européenne de l’énergie atomique, ainsi que les deux Conseils, sont aussi devenus des institutions communes à partir de l’entrée en vigueur du Traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, signé le 8 avril 1965. Ce fait explique que nous utilisions parfois dans le texte le terme « Conseils » au pluriel quand nous parlons de la période qui précède l’entrée en vigueur du traité que nous venons de mentionner. Selon le dernier traité, le Conseil et la Commission se substituent aussi, respectivement, au Conseil spécial de ministres et à la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. L’Assemblée unique reçoit le nom de « Parlement européen » à partir de l’Acte unique européen (l’aue). Créée en 1975, la Cour des comptes devient la cinquième institution des Communautés par le traité ue.

[11] . Guy Isaac a rappelé que le multilinguisme communautaire « résulte cependant d’une exigence politique (égalité entre les États et transparence démocratique vis-à-vis des citoyens) et, plus encore, d’une exigence de sécurité juridique et d’égalité des droits, puisque, du moins pour tous les textes qui reçoivent et doivent recevoir une application directe dans chacun des États membres, il était indispensable que les administrateurs et les tribunaux chargés de les appliquer et les particuliers auxquels ils s’appliquent puissent en prendre connaissance dans leurs langues nationales ». Guy Isaac, Droit communautaire général, Paris/Milan/Barcelone, Masson, 1995, 4ème éd., p. 91. (Dans la dernière édition : Guy Isaac, Marc Blanquet, Droit communautaire général, Paris, Dalloz, 2001, 8ème éd., p. 102).

[12] . En France, par exemple, en vertu de la Loi relative à l’enseignement des langues et des dialectes locaux, du 11 janvier 1951, l’enseignement facultatif du breton, du basque, du catalan et de la langue occitane dans les écoles, lycées et collèges était la seule chose prévue. Pour les écoles primaires et maternelles, la Loi limitait l’enseignement desdites langues à une heure par semaine, et le faisait encore dépendre de la demande des instituteurs. Voir Jean Falch, Contribution à l’étude du statut des langues en Europe, Québec, Centre international de recherches sur le bilinguisme, 1973, p. 65-71 ; Guy Héraud, Peuples et langues d’Europe, Paris, Denoël, p. 193-216 ; Antoni Milian-Massana, « L’intervention des pouvoirs publics dans les déterminations linguistiques relatives à l’enseignement : modèles et limites », Revue générale de droit, vol. 26, nº 2, 1995, 205-233, p. 208. Moyennant un décret du 18 décembre 1952, l’enseignement facultatif de l’allemand fut aussi organisé dans les écoles primaires des communes dont la langue usuelle était le dialecte alsacien. En Italie, pour suivre un autre exemple, les seules minorités protégées (les « minoranze linguistiche reconosciute ») étaient les minorités linguistiques allemande, française et slovène. Aucune protection n’était prévue pour les autres groupes linguistiques. Dans la province de Bolzano, du fait que la situation était, du moins en partie, régie par un accord international (l’accord de Paris du 5 septembre 1946, accord dit « De Gasperi-Gruber »), l’allemand jouissait exceptionnellement d’une reconnaissance proche du statut des langues officielles (art. 84 et 85 de la Loi constitutionnelle nº 5 du 29 février 1948 sur le Statut spécial pour la région du Trentin-Haut-Adige). Voir Alessandro Pizzorusso, Le minoranze nel diritto pubblico interno, Milan, Giuffrè, 1967, vol. I, notamment p. 444-451 et 539-547 ; Bruno de Witte, « I diritti individuali garantiti dall’Accordo de Parigi del 5 settembre 1946: una eccezione diventata norma? », dans Andrea de Guttry, Natalino Ronzitti, I rapporti di vicinato tra Italia e Austria, Milan, Giuffrè, 1987, 243-275. Cependant, l’allemand étant langue officielle des.Communautés, le régime linguistique communautaire n’excluait pas le groupe linguistique allemand de la province de Bolzano. La réforme du Statut spécial du Trentin-Haut-Adige des années 1971-1972 (Loi constitutionnelle nº 1 du 10 novembre 1971, et d.P.R. du 31 août 1972) accroîtra le caractère de langue officielle de l’allemand dans ladite province. En effet, l’article 99 dira que « la lingua tedesca è parificata a quella italiana che è la lingua ufficiale dello Stato ». Voir Alessandro Pizzorusso, Il pluralismo linguistico in Italia fra Stato nazionale e autonomie regionali, Pise, Pacini, 1975, notamment p. 194-199.

[13] . Il s’agit de la décision du Conseil des Communautés européennes portant adaptation des actes relatifs à l’adhésion de nouveaux États membres aux Communautés européennes, étant donné que le Royaume de Norvège n’avait pas déposé en temps voulu ses instruments d’adhésion et de ratification et n’est donc pas devenu membre des Communautés européennes.

[14] . La décision du Conseil du 1er janvier 1973 modifie, elle aussi, l’article 160 de l’acte afin d’exclure des textes qui font foi le texte en langue norvégienne.

[15] . Les mots « et le norvégien » ont été supprimés par la décision du Conseil du 1er jan- vier 1973. Il est curieux que l’acte d’adhésion rd, i, rn et r-u ne prévoie pas le remplacement de l’article premier du règlement nº 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté européenne de l’énergie atomique.

[16] . Cet article prévoit la seule rédaction en langue anglaise et en langue danoise des textes du droit communautaire dérivé en vigueur au moment de l’adhésion. L’article 155, tel que modifié par la décision du Conseil du 1er janvier 1973, dit textuellement ceci : « Les textes des actes des institutions des Communautés adoptés avant l’adhésion et qui ont été établis par le Conseil ou la Commission en langue anglaise et en langue danoise font foi, dès l’adhésion, dans les mêmes conditions que les textes établis dans les quatre langues originaires. Ils sont publiés dans le Journal officiel des Communautés européennes dans le cas où les textes dans les langues originaires ont fait l’objet d’une telle publication ». L’article 155 nous montre que le statut des langues anglaise et danoise est égal au statut des quatre autres langues officielles et de travail. Le but de l’article 155 était de rendre compréhensible le droit dérivé en vigueur aux ressortissants des nouveaux États membres. Il s’agissait d’une exigence qui découle des principes de la sécurité juridique et d’égalité ou de non-discrimination.

[17] . Il faut se souvenir qu’aussi bien l’irlandais que l’anglais sont officiels en Irlande, et que la langue irlandaise, en tant que langue nationale, est consacrée comme la première langue officielle. En vertu de l’article 8 de la constitution de l’Irlande : « 1. The Irish language as the national language is the first official language. / 2. The English language is recognized as a second official language. / Provision may, however, be made by law for the exclusive use of either of the said languages for any one or more official purposes, either throughout the State or in any part thereof ».

[18] . Il est probable que les autres (ou bien l’une ou plusieurs autres) langues devraient acquérir la condition de langue officielle si la langue de coïncidence n’était connue que d’une partie des citoyens du nouvel État membre, cas qui ne s’est pas encore produit.

[19] . Sur la langue irlandaise voir, par exemple, Séamus Ó Ciosáin, « Bilingualism in Public Administration. The case of Ireland », Revista de Llengua i Dret, vol. 1, nº 2, 1983, 11- 17. L’auteur écrit à la page 11 que « The total number of native speakers living in Gaeltacht areas is estimated at about 55,000. In addition, 25 %-30 % of the total population claim to have some competence in Irish, derived mainly from the educational system ». Voir aussi Pádraig Ó Riagáin, « National and international dimensions of language policy when the minority language is a national language: the case of Irish in Ireland », dans Florian Coulmas (ed.), A Language Policy for the European Community..., cit., 255-277.

[20] . Articles 3 du traité relatif à l’adhésion de la République Hellénique à la CEE et à la CEEA (traité d’adhésion rh) ; 3 du traité relatif à l’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République Portugaise à la CEE et à la CEEA (traité d’adhésion re et rp) ; 3 du traité relatif à l’adhésion du Royaume de Norvège, de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la Union européenne (traité d’adhésion rn, ra, rf et rs), tel que modifié, considérant que le Royaume de Norvège n’avait pas déposé en temps voulu ses instruments de ratification, par la décision du Conseil, du 1er janvier 1995, portant adaptation des instruments relatifs à l’adhésion de nouveaux États membres à l’Union européenne. En vertu du traité d’adhésion rn, ra, rf et rs, l’Autriche, la Finlande et la Suède sont devenues aussi des États membres des Communautés : « deviennent membres de l’Union européenne et parties aux traités sur lesquels l’Union est fondée » (article premier). Il convient de se souvenir que les Communautés européennes ne sont pas supprimées ni substituées par l’Union européenne. L’article premier (ex-article A) du traité ue annonce que « L’Union est fondée sur les Communautés européennes » ; par conséquent, celles-ci subsistent en son sein et constituent précisément un de ses piliers. Toutefois, très récemment, exactement le 23 juillet 2002, le traité ceca est arrivé à expiration et le passage des secteurs du charbon et de l’acier sous le régime de droit commun du traité instituant la Communauté européenne a été acquis.

[21] . Articles 152 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République hellénique et aux adaptations des traités (acte d’adhésion rh) ; 402 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités (acte d’adhésion re et rp) ; 176 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion du Royaume de Norvège, de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (acte d’adhésion rn, ra, rf et rs), tel que modifié par la décision du Conseil du 1er janvier 1995. Dans l’article 176, le texte du traité ue est aussi cité expressément et le traité cee reçoit l’actuelle dénomination de traité ce.

[22] . Annexe I de l’acte d’adhésion rh ; annexe I de l’acte d’adhésion re et rp ; et annexe I de l’acte d’adhésion rn, ra, rf et rs, tel que modifié par la décision du Conseil du 1er jan- vier 1995. Dans cette dernière annexe, l’article premier des règlements nº 1 subit, en plus, la substitution des mots « de la Communauté » par les mots « de l’Union ». L’acte d’adhésion rh, comme le fait l’acte d’adhésion rd, i, rn et r-u (voir la note 15 supra), prévoit la seule adaptation du règlement portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne. Les deux actes d’adhésion postérieurs adaptent déjà les deux règlements nº 1.

[23] . Articles 147 de l’acte d’adhésion rh, 397 de l’acte d’adhésion re et rp, et 170 de l’acte d’adhésion rn, ra, rf et rs, tel que modifié par la décision du Conseil du 1er janvier 1995.

[24] . En ce qui concerne l’Union européenne, la déclaration relative au régime linguistique dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, annexée à l’Acte final du traité ue, en complète le régime linguistique quant au deuxième pilier.

[25] . À l’époque de l’institution des Communautés européennes, le luxembourgeois n’était pas reconnu officiellement dans le grand-duché de Luxembourg. Conformément à l’arrêté royal grand-ducal du 22 février 1834, concernant l’usage des langues allemande et française dans les actes publics, ces dernières étaient les langues administratives du Luxembourg. Ce n’est que plus récemment, avec la Loi, du 24 février 1984, sur le régime des langues, qu’il a été établi que : « La langue nationale des Luxembourgeois est le luxembourgeois » (art. 1). Néanmoins, cette reconnaissance en faveur du luxembourgeois n’a pas détrôné le français, ni l’allemand, qui, avec une certaine prééminence du français, continuent à jouir dans le grand-duché d’un véritable statut de langue officielle (arts. 2, 3 et 4). De là le fait que le luxembourgeois n’ait pas acquis la condition de langue officielle et de travail des Communautés.

[26] . Voir la Déclaration du Royaume de Norvège sur la langue norvégienne qui se trouve à l’acte final concernant l’adhésion du Royaume de Norvège, de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à l’Union européenne.

[27] . Protocole nº 10 qui est annexé à l’acte d’adhésion rn, ra, rf et rs.

[28] . En effet, à partir des années 70, la reconnaissance et la protection des langues de portée régionale prend force au sein de la majorité des États membres. Par ailleurs, il est impossible de résumer ici toute cette éclosion des langues régionales. D’autre part, la portée des mesures de protection prévues et le nombre de locuteurs qui peuvent en bénéficier sont très divers selon les langues et les États. Voir l’analyse générale de Josep M. Sanmartí Roset, Las Políticas Lingüísticas y Las Lenguas Minoritarias en el Proceso de Construcción de Europa, Herri-Arduralaritzaren Euskal Erakundea/Instituto Vasco de Administración Pública, s.d.,p. 291-314. Pour des États concrets, voir, par exemple, George Jones, « La nouvelle Assemblée du Pays de Galles et le nouveau Parlement d’Écosse et les langues galloises et gaéliques », dans ciemen, Les nouvelles législations linguistiques dans l’Union européenne, Barcelone, Ed. Mediterrània, 2001, 23-30 ; Alessandro Pizzorusso, « La politica linguistica in Italia, il caso della provincia di Bolzano e la legge di attuazione generale dell’art. 6 della Costituzione », dans Joseph Marko, Sergio Ortino, Francesco Palermo, (eds.), L’ordinamento speciale della Provincia autonoma di Bolzano, Cedam, 2001, 101-138 ; Antoni Milian Mas- sana, « La regulación constitucional del multilingüismo », Revista Española de Derecho Constitucional, nº 10, 1984, 123-154. Par contre, la France et la Grèce restent à l’écart de l’adoption de mesures véritablement protectrices. Sur la France voir, par exemple, Jean-Marie Woehrling, « Le droit constitutionnel français à l’épreuve des langues régionales », Re- vista de Llengua i Dret, nº 35, 2001, 79-87 ; Hugues Moutouh, « La République face à ses communautés », Revista de Llengua i Dret, nº 35, 2001, 89-102 ; Dominique Breillat, « La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires : le cas français », Revue juridique Thémis, vol. 35, nº 3, 2001, 697-737, en particulier p. 701-726. Dans le cadre du Conseil de l’Europe, deux traités qui protègent les langues régionales et les minorités linguistiques ont été approuvés ces dernières années, ce qui montre une sensibilité plus favorable, dans l’ensemble de l’Europe, envers les langues de portée régionale. Il s’agit de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (ste nº 148), qui a été ratifiée par 17 États, dont 8 sont membres de l’Union européenne (situation au 22/01/03), et de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (ste nº 157), ratifiée par 35 États (trois ratifications sont, en réalité, des adhésions), dont 10 appartiennent à l’Union (situation au 22/01/03).

[29] . La pétition nº 113/88, présentée par le Parlement de Catalogne, pour la « proclamation du catalan comme langue officielle des institutions européennes », et la pétition nº 161/89 du Parlement des Iles Baléares sur la reconnaissance du catalan comme langue officielle des institutions européennes, en sont probablement les exemples les plus remarquables. Sur ces pétitions voir : Le catalan reconnu par le Parlement européen, Barcelone, Generalitat de Catalunya, 1991.

[30] . En ce qui concerne les langues régionales ou minoritaires, les institutions communautaires se sont pratiquement limitées à adopter des résolutions favorables à leur protection (voir infra).

[31] . Il convient de noter que les institutions de l’Union européenne sont en réalité les mêmes institutions que les institutions communautaires (art. 5 du traité ue).

[32] . Le traité de Nice prévoit la substitution du nom Journal officiel des Communautés européennes par le nom Journal officiel de l’Union européenne (voir, par exemple, l’art. 2, paragraphe 38).

[33] . Quant à l’égalité juridique de toutes les différentes versions des textes de droit communautaire dans les langues officielles, voir cj ce 6 octobre 1982 (SrlCILFIT et Lanificio di Gavardo SpA c/ Ministère de la santé, 283/81, Rec. 1982, p. 3415, point 18).

[34] . Il convient de se souvenir que les cinq institutions communautaires sont le Parlement européen, le Conseil, la Commission, la Cour de justice et la Cour des comptes (voir la note 10 supra). Il ne faut pas confondre le Conseil —institution des Communautés intitulée « Conseil de l’Union européenne »— avec le Conseil européen. Dans le texte, nous ne porterons notre attention que sur les quatre premières, qui sont les institutions centrales du système institutionnel des Communautés et de l’Union.

[35] . Dans la Note du Service Juridique reprenant [...], contenue dans le Document A3- 169/90, cit., on signale que « les institutions communautaires [...] sont liés par le règlement du Conseil et ne peuvent, par conséquent, qu’adopter des mesures qui soient conformes à ce dernier. » (p. 35).

[36] . Voir les articles 14 du règlement intérieur du Conseil, adopté par la décision du Conseil, du 22 juillet 2002, portant adoption de son règlement intérieur (2002/682/CE, Eur- atom) ; 18 et 12, deuxième alinéa, du règlement intérieur de la Commission [C(2000) 3614], du 29 novembre 2000 ; et 112.2, 117, 139.6, 149.1, 165.4 et 174.3 du règlement du Parlement européen (14ème édition, 1999).

[37] . Voir Antoni Milian-Massana, « Le régime linguistique de l’Union européenne [...] », cit., p. 493, note 21, et la bibliographie qui y est mentionnée. Ainsi, par exemple, certains documents destinés au Conseil, ou que le Conseil adopte extra-officiellement, ne sont rédigés que dans peu de langues, habituellement en anglais et en français, voire en allemand. Pour des données sur l’usage des langues au sein des institutions voir aussi Claude Truchot, « Langues et supranationalité en Europe [...] », cit., p. 235-238.

[38] . Voir cj ce 15 juin 1994 (Commission des Communautés européennes c/ BASF AG e.a., C-137/92P, Rec. 1994, p. I-2555) ; cj ce 15 juillet 1970 (ACF Chemiefarma NV c/ Commission des Communautés européennes, 41-69, Rec. 1970, p. 661, notamment les points 47-53) ; et cj ce 10 février 1998 (République fédérale d’Allemagne c/ Commission des Communautés européennes, C-263/95, Rec. 1998, p. I-441, en particulier le point 27).

[39] . Selon l’article 7 : « Le régime linguistique de la procédure de la Cour de Justice est déterminé dans le règlement de procédure de celle-ci ». Cette disposition tire son origine des traités ce et ceea [art. 217 (devenu art. 290 du traité ce) et 190, respectivement]. Ceci dit, il convient de se souvenir que l’autonomie de la Cour n’est pas absolue. Le règlement de procédure, que la Cour de justice elle-même établit, est soumis à l’approbation unanime du Conseil [art. 245 du traité ce (ex-art. 188), et art. 160 du traité ceea]. Les réformes de la Cour de justice prévues au traité de Nice font disparaître l’autonomie de la Cour pour déterminer le régime linguistique de la procédure, dans la mesure où ce régime linguistique doit être inclus dans le Statut de la Cour de justice (art. 2, paragraphes 35 et 45, et art. 3, paragraphe 24, du traité de Nice). Voir la note 9 supra. Voir aussi l’article 64 du Protocole sur le statut de la Cour de justice, annexé par le traité de Nice au traité ue, au traité ce et au traité ceea.

[40] . Pour connaître en détail le régime linguistique de la Cour de justice ainsi que du Tribunal de première instance, voir Antoni Milian-Massana, « Le régime linguistique de l’Union européenne [...] », cit., p. 494-496, et la bibliographie qui y est mentionnée.

[41] . Du point de vu matériel, l’article 21, alinéa 3, du traité ce représente une nouveauté majeure, étant donné que c’est la première fois qu’une règle linguistique matérielle est explicitement introduite au niveau des traités communautaires.

[42] . Nous n’avons pas le temps d’examiner à fond cette question. Pour l’approfondir, voir le travail en cours de publication de Niamh Nic Shuibhne, « Language Rules, Language Rights and the ec Administration », présenté dans l’atelier Linguistic Diversity in European Law qui s’est tenu à l’Istituto Universitario Europeo (Florence), les 12 et 13 novembre 2001, sous la direction de Bruno de Witte.

[43] . L’idée d’un droit est renforcée par l’article 41, paragraphe 4, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, bien que la portée juridique contraignante de la Charte soit controversée du fait qu’elle n’a pas été intégrée dans les traités (voir infra la note 97). Sur l’article 41, paragraphe 4, voir Antoni Milian i Massana, Público y privado en la norma- lización lingüística [...], cit., p. 196-197. Voir aussi Niamh Nic Shuibhne, « Language Rules, Language Rights [...] », cit. La rédaction de l’article 2 des règlements nº 1 avait rendu plus difficile la réception de la conception d’un droit. Ce fait explique que dans l’affaire Chemiefarma de 1970 (citée dans la note 38 supra), la Cour ait conclu que l’infraction aux règles linguistiques par l’administration communautaire ne conduit pas nécessairement à l’annulation des actes ainsi produits si le contenu a été correctement compris par le destinataire. Comme nous l’avions déjà commenté en une autre occasion, cette opinion de la Cour, qui semble en principe respectueuse de la sécurité juridique, n’est pas satisfaisante du point de vue du respect des droits linguistiques des destinataires (voir Antoni Milian-Massana, « Le régime linguistique de l’Union européenne [...] », cit., p. 499, note 35, in fine). En conséquence, la Cour devra modifier dorénavant cette doctrine dans les cas des procédures ouvertes à la suite d’un écrit d’un citoyen de l’Union européenne afin de respecter le traité d’Amsterdam.

[44] . Voir Antoni Milian i Massana, Público y privado en la normalización lingüística [...], cit., p. 196.

[45] . Il est intéressant de souligner que cet article 14 a été adopté avant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam. Il faut se souvenir que les plaintes peuvent être aussi présentées en irlandais, compte tenu de l’article 21, alinéa 3, du traité ce.

[46] . Les règlements de la Banque centrale européenne doivent être publiés au Journal officiel des Communautés européennes de la même manière que dans le cas des règlements des institutions (art. 34.2 des statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne).

[47] . Sur le régime linguistique de la Banque centrale européenne voir Maria Àngels Orriols i Sallés, El Banco Central Europeo y el Sistema Europeo de Bancos Centrales. Régimen jurídico de la autoridad monetaria de la Comunidad Europea, thèse de doctorat que l’auteur est en train de publier, Universitat Autònoma de Barcelona, Barcelone, 2000, p. 514-515.

[48] . Voir l’arrêt tpi du 18 octobre 2001 (X c/ Banque centrale européenne, T-333/99, Rec. 2001, p. II-3021, points 185 et 186, ainsi que les points 11, 19, 20 et 22). Dans cet arrêt, le Tribunal de première instance accepte que la langue de la procédure disciplinaire ouverte par l’administration de la Banque centrale européenne soit l’anglais, étant donné que la langue anglaise était la langue de travail de la Banque, bien que le requérant ait voulu que la procédure disciplinaire se fasse en allemand. Le Tribunal rejette l’argument du requérant tiré d’une prétendue tentative de la Banque de rendre plus difficile la mise en œuvre des droits de la défense en ce qu’elle aurait exigé l’usage de la langue anglaise. Pour mieux comprendre la décision du Tribunal, il convient de savoir que, en l’espèce, la Banque centrale « n’a pas refusé d’accepter les courriers de l’avocat du requérant rédigés en langue allemande » et que ladite Banque « a même précisé qu’elle les accepterait, nonobstant le fait qu’ils devraient en principe être rédigés en langue anglaise » (point 186). Toutefois, à notre avis, le Tribunal dans l’arrêt traite de la même manière la procédure administrative disciplinaire et l’activité administrative interne de la Banque, ce qui nous semble inacceptable étant donné la nature juridique différente des deux activités.

[49] . Le choix de l’anglais met en évidence sa prééminence dans les marchés financiers, et répresente une certaine soumission linguistique. La domination de l’anglais qui accompagne le phénomène de la mondialisation nous montre que cette langue devient une véri- table menace pour le multilinguisme, même pour l’avenir de la majorité des autres langues internationales.

[50] . Sur la langue de procédure de l’opposition voir l’arrêt très récent : tpi 13 juin 2002 (Chef Revival USA Inc. c/ OHMI, T-232/00, Rec. 2002, p. II-2749).

[51] . Voir, par exemple, Alfredo Calot Escobar, « Ordenamiento jurídico comunitario y mecanismos de tutela judicial efectiva. La necesaria desconfianza ante la falsa claridad de las normas comunitarias (los malos entendidos de un derecho plurilingüe) », dans l’ouvrage collectif Ordenamiento jurídico comunitario y mecanismos de tutela judicial efectiva, Vitoria- Gasteiz, Eusko Jaurlaritza-Gobierno Vasco/Consejo General del Poder Judicial, 1995, 261- 299, p. 271-272 ; Ellen Vos, « Les agences et la réforme de l’administration européenne », Revue française d’administration publique, nº 95, 2000, 393-410, p. 405-407. Bien que certains auteurs parlent d’une réduction des langues de travail, à notre avis il est clair que les effets externes de l’article 115 du règlement impliquent une réduction des langues officielles.

[52] . tpi 12 juillet 2001 [Christina Kik c/ Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), T-120/99, Rec. 2001, p. II-2235, point 58].

[53] . Affirmation qui doit être nuancée, en vertu de l’article 21, alinéa 3, du traité ce (voir la note 41 supra).

[54] . En vertu de l’article 21 du traité ce le Tribunal distingue, quant au régime linguistique, entre, d’une part, les institutions, le médiateur, le Comité économique et social et le Comité des régions, et, d’autre part, les autres organes (point 64).

[55] . Pour approfondir sur l’arrêt Kik, voir Niamh Nic Shuibhne, « Language Rules, Language Rights [...] », cit.

[56] . Sur la question du régime linguistique des agences, voir Ellen Vos, « Les agences et la réforme [...] », cit., p. 405-407. Selon l’auteur, « [i]l y a un danger réel que le développement des agences entraîne un contournement des règles procédurales complexes concernant les exigences linguistiques applicables aux institutions communautaires, remettant en cause la garantie constitutionnelle d’un traitement équitable des différentes langues. Il convient donc de trouver un équilibre entre efficacité et légitimité des régimes linguistiques des agences à l’aune de l’article 21 ce » (p. 407).

[57] . Le Journal officiel en irlandais a aussi publié d’autres documents importants intéressant l’ensemble des citoyens. Par exemple, la déclaration commune des institutions sur les droits de l’homme. Voir le Journal officiel nº C 82, du 30 mars 1987, p. 12.

[58] . Article 29 du règlement de procédure de la Cour de justice des Communautés européennes, du 19 juin 1991, et article 35 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, du 2 mai 1991. L’irlandais étant langue de procédure, il est cohérent que les règlements de procédure soient aussi authentiques dans la langue irlandaise.

[59] . Cette résolution a été approuvée en réponse aux pétitions présentées par le Parlement de Catalogne et le Parlement des Iles Baléares (voir la note 29 supra).

[60] . Plus précisément, le Parlement européen demande d’œuvrer pour atteindre les objectifs suivants : « —la publication en catalan des traités et des textes de base des Communautés, — la diffusion en catalan de l’information publique relative aux institutions européennes par tous les moyens de communication, — l’inclusion du catalan dans les programmes établis par la Commission pour l’apprentissage et le perfectionnement des langues européennes, — l’utilisation du catalan dans les relations orales et écrites avec le public au(x) Bureau(x) de la Commission des Communautés européennes dans les Communautés autonomes concernées ».

[61] . Voir Antoni Montserrat, « L’aplicació de la resolució del Parlament Europeu sobre la llengua catalana a les institucions europees », Revista de Llengua i Dret, nº 18, 1992, 67-93. Plus encore, dans un point clé pour la langue catalane comme celui de son inclusion « dans les programmes établis par la Commission pour l’apprentissage et le perfectionnement des langues européennes », les réalisations ont été nulles ou pratiquement nulles. Voir, par exemple, le point 2, lettre b, de l’« Action 1 : “Comenius” : enseignement scolaire », et le point 2 de l’« Action 4 : “Lingua” : enseignement et apprentissage des langues », qui se trou- vent dans l’annexe à la décision nº 253/2000/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 janvier 2000, établissant la deuxième phase du programme d’action communautaire en matière d’éducation « Socrates ». L’exclusion du catalan des programmes pour l’apprentissage des langues est particulièrement inacceptable et incohérente du fait qu’en Catalogne la langue véhiculaire dans l’enseignement primaire et secondaire est normalement la langue catalane, et du fait que plus du 50 % des cours universitaires sont faits en catalan. Sur l’exclusion du catalan dans les programmes linguistiques européens, voir Bruno de Witte, Harry Post, « Educational and Cultural Rights », dans Antonio Cassese, Andrew Clapham, Joseph Weiler (eds.), Human Rights and the European Community: The Substantive Law, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, vol. III, 1991, 123-176, p. 168 ; Isidor Marí, « El plurilingüisme europeu i l’aprenentatge de les llengües menys difoses », dans Les llengües estrangeres a l’Europa de l’Acta única. Primer Congrés Internacional sobre l’Ensenyament de Llengües Estrangeres, Bellaterra, Institut de Ciències de l’Educació, 1993, 7-16, p. 12-13 ; du même auteur, « Diversitat lingüística: quin model plurilingüístic per a Europa? Propostes per al debat », dans Agustí Nicolau Coll (ed.), Europa diversa. Diversitat cultural i construcció europea, Barcelone, Centre de Cultura Contemporània de Barcelona, 2001, 95-104, p. 102-103 ; Miquel Srubell i Trueta, « El català a Europa: el Programa Sòcrates, un petit avanç », Revista de Llengua i Dret, nº 26, 1996, 181-187 ; Antoni Milian-Massana, « Le régime linguistique de l’Union européenne [...] », cit., p. 504-505. Sur la langue véhiculaire de l’enseignement en Catalogne, voir, par exemple, Antoni Milian-Massana, « Le régime juridique de la langue catalane en Catalogne. La Loi 1/1998, du 7 janvier, du Parlement de la Catalogne sur la politique linguistique », dans Emili Boix-Fuster, Antoni Milian-Massana (dir.), Aménagement linguistique dans les pays de langue catalane, revue Terminogramme, nº 103-104, 2002, 151-170, p. 156-159 ; Jeremy R. Kasha, « Education Under Catalonia’s Law of Linguistic Normalization: Spanish Constitutionalism and International Human Rights Law », Columbia Journal of Transnational Law, vol. 34, 1996, 657-676 ; Antoni Milian i Massana, Derechos lingüísticos y derecho fundamental a la educación. Un estudio comparado: Italia, Bélgica, Suiza, Canadá y España, Madrid, Civitas, 1994, p. 395-442. Nous pouvons encore ajouter qu’il ne semble pas raisonnable ni équitable que le catalan, langue parlée par plus de 6 millions de personnes, soit exclu des programmes linguistiques communautaires pour l’apprentissage des langues, tandis que l’irlandais et le luxembourgeois, parlés respectivement par 700 000 et 367 000 personnes, sont automatiquement inclus. D’autre part, il faut se souvenir que l’article 149 du traité ce, qui est un des deux articles sur lesquels le programme Socrates est fondé, ne distingue pas entre les langues officielles et les langues non officielles (voir infra la note 93). Par contre, d’autres programmes ne ferment pas la porte aux langues non officielles. C’est le cas, par exemple, du programme Culture 2000, du programme MEDIA Plus ou du programme pluriannuel pour promouvoir la diver- sité linguistique de la Communauté dans la société de l’information. Néanmoins, à cause de la portée de ces programmes, l’accès des langues non officielles devient quasi-testimonial. Les programmes communautaires Socrates, Culture 2000, media Plus et le programme pour promouvoir la diversité linguistique dans la société de l’information ont été établis en vertu des compétences communautaires prévues à l’article 157 du traité ce (ex-art. 130) (programme pluriannuel pour promouvoir la diversité linguistique de la Communauté dans la société de l’information) ; aux articles 149 et 150 du traité ce (programme Socrates) ; à l’article 151 du traité ce (programme Culture 2000) et à l’article 157 du traité ce (programme MEDIA Plus). En réalité, la compétence communautaire pour établir ces programmes provient des réformes introduites au traité ce par l’aue et, surtout, par les traités ue et d’Amsterdam. Cet élargissement des compétences des Communautés a été facilité par la jurisprudence dynamique de la Cour de justice des Communautés européennes faite à partir des programmes éducatifs établis par le Conseil pendant les années quatre-vingt. Voir Manuel López Escudero, José Martín y Pérez de Nanclares (coord.), Derecho Comunitario Material, Madrid, McGraw-Hill, 2000, p. 324-334, en particulier p. 325. Pour la question de la base légale des premiers programmes, voir Koenraad Lenaerts, « erasmus: Legal Basis and Implementation », dans Bruno de Witte, European Community Law of Education, Baden- Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 1989, 113-125, en particulier p. 115-122, et les arrêts cj ce 30 mai 1989 (Commission des Communautés européennes c/ Conseil des Communautés européennes, 242/87, Rec. 1989, p. 1425) (programme Erasmus) ; cj ce 11 juin 1991 (Royaume- Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord e.a. c/ Conseil des Communautés européennes, C-51/89, C-90/89 et C-94/89, Rec. 1991, p. I-2757) (programme Comett II).

[62] . En Catalogne, cette application, au moins selon l’interprétation qu’en a donnée la Cour constitutionnelle espagnole dans l’arrêt 236/1991, du 12 décembre 1991, représente un obstacle au régime de co-officialité linguistique qui est en vigueur dans cette communauté autonome. Ainsi, bien que les citoyens se voient reconnu le droit de choisir entre le catalan et l’espagnol, tous deux officiels en Catalogne, dans leurs rapports avec les administrations publiques situées en Catalogne, la Cour constitutionnelle a considéré valides, du fait qu’il s’agirait d’une exigence communautaire, les dispositions du décret royal 597/1988, du 10 juin, qui obligent à rédiger en espagnol les demandes ainsi que tous les autres documents qui les concernent, de même que les inscriptions qui doivent être faites, et cela bien que l’administration compétente en matière de contrôle métrologique soit, en Catalogne, l’administration régionale. Selon l’opinion de la Cour constitutionnelle, le régime linguistique de la Communauté européenne doit être appliqué dans cette procédure, conformément aux normes communautaires, la langue catalane étant par conséquent légitimement exclue. Il est vrai ce- pendant que la Cour termine en disant que « debemos advertir que el uso obligatorio de la lengua castellana [l’espagnol] no impide que la Administración autonómica adopte las medidas necesarias para que el ciudadano pueda dirigirse y hacer uso indistintamente de ambas lenguas [l’espagnol ou le catalan] en sus relaciones con ella [...] » (Fondement juridique 10), mais cela exigera probablement la mise en place d’un service de traduction, dont le coût ne devrait pas être répercuté uniquement sur l’administration régionale, et portera à la méfiance envers la traduction, avec la conséquence du renoncement à l’usage du catalan que cela risque d’impliquer.

[63] . La bibliographie sur la primauté du droit communautaire est énorme. Parmi les ouvrages généraux, voir, par exemple, Paul Craig, Gráinne de Búrca, EC law. Text, cases, and materials, Oxford, Claredon Press, 1995, p. 240-282 ; Guy Isaac, Marc Blanquet, Droit communautaire général, cit. p. 202-222 ; Araceli Mangas Martín, Diego J. Liñán Nogueras, Instituciones y Derecho de la Unión Europea, Madrid, Tecnos, 3ème éd., 2002, p. 414-421 ; Jean-Victor Louis, L’ordre juridique communautaire, Bruxelles, Commission des Communautés européennes, 6ème éd., 1993, p. 162-192. En ce qui concerne les effets du droit communautaire sur les constitutions des États membres, voir, par exemple, les réflexions qui se trouvent dans l’ouvrage collectif de Jean-Claude Masclet, Didier Maus (dir.), Les constitutions nationales à l’épreuve de l’Europe, Paris, La Documentation française, 1993, et notamment la réflexion sur l’Espagne de Santiago Muñoz Machado, p. 43-66 (en particulier p. 56-57).

[64] . À son tour, l’article 3 du règlement ne comprend pas les exigences linguistiques que l’employeur pourrait imposer de sa propre initiative. Voir Bruno de Witte, « Surviving in Babel? Language Rights and European Integration », dans Yoram Dinstein, Mala Tabory (eds.), The Protection of Minorities and Human Rights, Dordrecht/Boston/Londres, Martinus Nijhoff Publishers, 1992, 277-300, p. 293.

[65] . Voir Bruno de Witte, « Surviving in Babel? [...] », cit., p. 293.

[66] . Voir, par exemple, les arrêts suivants : cj ce 17 décembre 1980 (Commission des Communautés européennes c/ royaume de Belgique, 149/79, Rec. 1980, p. 3881) ; cj ce 26 mai 1982 (Commission des Communautés européennes c/ royaume de Belgique, 149/79, Rec. 1982, p. 1845) ; cj ce 3 juillet 1986 (Deborah Lawrie-Blum c/ Land Baden-Württemberg, 66/85, Rec. 1986, p. 2121) ; cj ce 30 mai 1989 (Pilar Allué et Carmel Mary Coonan c/ Università degli studi di Venezia, 33/88, Rec. 1989, p. 1591) ; cj ce 27 novembre 1991 (Annegret Bleis c/ Ministère de l’Éducation nationale, C-4/91, Rec. 1991, p. I-5627) ; cj ce 2 juillet 1996 (Commission des Communautés européennes c/ Grand-duché de Luxembourg, C-473/93, Rec. 1996, p. I-3207) ; cj ce 2 juillet 1996 (Commission des Communautés européennes c/ Royaume de Belgique, C-173/94, Rec. 1996, p. I-3265) ; cj ce 2 juillet 1996 (Commission des Communautés européennes c/ République hellénique, C-290/94, Rec. 1996, p. I-3285). La bibliographie sur l’étendue de la notion d’« administration publique » du paragraphe 4 de l’article 39 du traité ce (ex-art. 48.4) et la question de l’égalité de traitement des ressortissants d’un État membre et de ceux des autres États membres dans l’accès aux emplois publics est très abondante. Voir, par exemple, Marc Jaeger, « La notion d’“emploi dans l’administration publique” au sens de l’article 48, paragraphe 4, du traité cee, à travers la jurisprudence de la Cour », Rivista di diritto europeo, vol. XXX, nº 4, 1990, 785-802 ; Javier Guillén Caramés, Jesús Ángel Fuentetaja Pastor, « El acceso de los ciudadanos comunitarios a los puestos de trabajo en las Administraciones Públicas de los Estados miembros », Revista de Administración Pública, nº 146, 1998, 467-500 ; Andreu Olesti (dir.), Laura Huici, Milagros Álvarez, La lliure circulació de treballadors a la Unió europea i l’exclusió dels llocs de treball a l’Administració pública catalana, Barcelone, Escola d’Administració Pública de Catalunya, 2001.

[67] . cj ce 28 novembre 1989 (Anita Groener c/ Minister for Education and the City of Dublin Vocational Education Committee, C-379/87, Rec. 1989, p. 3967).

[68] . Idem, dispositif, p. 3995 (Nos italiques).

[69] . Idem, point 15.

[70] . Voir la note 17 supra.

[71] . La Cour de justice a eu l’occasion de déclarer que : « L’article 48 du traité ce (devenu, après modification, article 39 ce) s’oppose à ce qu’un employeur oblige les candidats à un concours de recrutement à faire la preuve de leurs connaissances linguistiques exclusivement au moyen d’un unique diplôme, délivré dans une seule province d’un État membre ». cj ce 6 juin 2000 (Roman Angonese c/ Cassa di Risparmio di Bolzano SpA, C-281/98, Rec. 2000, p. I-4139, dispositif, p. I-4176). Bien que la décision de la Cour porte sur l’emploi privé (un concours de recrutement pour l’accès à un emploi dans un organisme bancaire privé de Bolzano, la Cassa di Risparmio), l’opinion de la Cour est aussi valable pour les emplois publics assujettis à la libre circulation des travailleurs. Voir Gabriel Toggenburg, « Diritto comunitario e tutela delle minoranze in Provincia di Bolzano. Due aspetti inconciliabili di un (unico) sistema? », dans Joseph Marko, Sergio Ortino, Francesco Palermo (eds.), L’ordinamento speciale della Provincia autonoma di Bolzano, cit., 139-194, p. 173-175. L’auteur avertit que « La Corte si è pronunciata nel caso di specie solo sulla richiesta dell’attestato di bilinguismo da parte di un soggetto privato (una banca), ma la ratio della decisione va naturalmente estesa anche alle pubbliche amministrazioni [...] » (p. 175).

[72] . Ce que nous disons maintenant vise aussi les langues régionales non officielles.

[73] . Il s’agit de la règle de l’article 13 bis, paragraphe 2, qui dit que « L’État membre où le produit est commercialisé peut, dans le respect des règles du traité, imposer sur son territoire que ces mentions d’étiquetage [il s’agit des mentions obligatoires] figurent au moins dans une ou plusieurs langues qu’il détermine parmi les langues officielles de la Communauté ». Étant donné que l’article parle des « langues officielles de la Communauté » et non des « langues officielles dans la Communauté », la langue ou les langues que les États peu- vent imposer doivent être choisies obligatoirement parmi les onze langues officielles de l’Union.

[74] . Voir Antoni Milian i Massana, Público y privado en la normalización lingüística [...], cit., p. 197-198.

[75] . La Cour a rappelé cette jurisprudence, qui est valable pour toutes les actions communautaires significatives, dans un arrêt du 12 mai 1998. Selon la Cour, « [...] dans le système du traité, l’exécution d’une dépense par la Commission suppose en principe, outre l’inscription au budget du crédit y afférent, un acte de droit dérivé (communément appelé “acte de base”), dont découle cette dépense. » cj ce 12 mai 1998 (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord c/ Commission des Communautés européennes, C-106/96, Rec. 1998, p. I-2729, point 22).

[76] . Sur le poste de dépense pour favoriser les langues régionales ou minoritaires et sur l’impasse actuelle voir, par exemple, Miquel Strubell, « L’establiment d’una política lingüística europea », dans Toni Mollà (ed.), Llengües globals, llengües locals, Alzira, Edicions Bromera, 155-182, p. 178-179.

[77] . Les dépenses de financement du Bureau européen pour les langues moins répan- dues et du réseau Mercator étaient engagées au titre de la ligne budgétaire B3-1006. Cependant, ces deux initiatives sont maintenant engagées au titre d’une autre ligne budgétaire, ce qui permet la continuité du Bureau et du réseau Mercator. Voir Miquel Strubell, « L’establiment d’una política lingüística [...] », cit., p. 179. D’autre part, la ligne budgétaire B3-1000 a, par exemple, permis à la Commission de faire, au cours des années 1999 et 2000, un appel à propositions afin d’octroyer des subventions à des projets de promotion et de sauvegarde des langues régionales et/ou minoritaires (JOCE nº C 125, p. 14, du 6 mai 1999, et JOCE nº C 266, p. 15, du 16 septembre 2000). Néanmoins, ces subventions, dont la base légale était, respectivement, la possibilité de proposer un « programme pluriannuel d’action dans le domaine des langues régionales et/ou minoritaires » et la perspective de la présentation d’une proposition de « programme pluriannuel de soutien aux langues et cultures régionales et minoritaires de l’Europe », se sont arrêtées, et elles n’avaient rien à voir avec les programmes pour l’apprentissage des langues, mentionnés ci-dessus (voir la note 61 supra).

[78] . Voir supra la note 61. Il est intéressant de se souvenir que les programmes communautaires se trouvent dans la genèse de certaines des compétences qui ont plus tard été enchâssées dans le traité ce. C’est le cas, par exemple, de la matière de l’environnement. Voir Luciano Parejo Alfonso, « Origen y desarrollo del Derecho medioambiental en el ordenamiento comunitario europeo », dans Juan Picón Rísquez, Derecho medioambiental de la Unión Europea, Madrid, McGraw-Hill, 1996, 41-69, p. 42-51.

[79] . Voir Claude Truchot, « Langues et supranationalité en Europe [...] », cit., p. 242.

[80] . L’initiative intéressante de l’Année européenne des langues (décision nº 1934/2000/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, établissant l’Année européenne des langues 2001), destinée surtout à encourager l’apprentissage des langues, n’a pas, à notre connaissance, été mise à profit par les institutions communautaires pour promouvoir une réflexion à fond sur la politique linguistique de l’Union. En fait, une telle activité n’était pas prévue parmi les objectifs (voir l’article 2 de la décision).

[81] . L’initiative de la Convention européenne est fondée sur la Déclaration relative à l’avenir de l’Union (Déclaration nº 23), qui se trouve annexée à l’Acte final qui suit le Traité de Nice. Voir aussi la Déclaration de Laeken (2001).

[82] . La Commission a reconnu la nécessité d’aborder les « problèmes qui pourraient résulter de la multiplication par deux des langues officielles de l’Union » dans le document intitulé Agenda 2000. Vol. 2. Le défi de L’élargissement, p. 66.

[83] . C’est le cas du catalan, que nous avons déjà dénoncé.

[84] . Voir Bruno de Witte, « Surviving in Babel? [...] », cit., p. 292.

[85] . En outre, il convient de se souvenir que les principes communautaires (libre circulation des marchandises, libre prestation des services, libre circulation des travailleurs, liberté d’établissement, libre concurrence) peuvent conditionner et conditionnent les politiques linguistiques des États membres et des organismes sous-étatiques (collectivités fédérées ou régionales) destinées à la protection des langues, ce qui nuit, spécialement, aux langues moins répandues, qui sont évidemment les langues nécessitant le plus de protection. Ainsi, des mesures protectrices telles que les quotas des médias de radiodiffusion et de télédiffusion fondés sur la langue, les quotas à l’écran établis sur la base de la langue, les exigences linguistiques en matière de services professionnels, les subventions octroyées tenant compte de critères linguistiques ou, encore, les exigences linguistiques en matière d’étiquetage deviennent suspectes d’enfreindre les règles du marché commun. Nous ne pouvons pas maintenant nous occuper de cette question. Sur l’incidence de l’application du droit communautaire sur les politiques linguistiques internes, voir, par exemple, Bruno de Witte, « Surviving in Babel? [...] », cit., p. 287-300 ; du même auteur, « The European Community and its Minorities », dans Catherine Brölmann, René Lefeber, Marjoleine Zieck (eds.), Peoples and Minorities in International Law, Dordrecht/Boston/Londres, Martinus Nijhoff Publishers, 1993, 167-185, p. 175-180 ; Ivan Bernier, « La préservation de la diversité linguistique à l’heure de la mondialisation », Les Cahiers de Droit, vol. 42, nº 4, 2001, 913-960, en particulier p. 935-946 ; Antoni Milian-Massana, « Le régime linguistique de l’Union européenne [...] », cit., p. 506-509 ; Gabriel Toggenburg, « Diritto comunitario e tutela delle minoranze [...] », cit., p. 139-194 ; Francesco Palermo, « The Use of Minority Languages: Recent Developments in EC law and Judgments of the ECJ », Maastricht Journal of European and Comparative Law, vol. 8, nº 3, 2001, 299-318 ; José Woehrling, « Politique linguistique et libre-échange : l’incidence de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis sur la législation linguistique du Québec (à la lumière de l’expérience de la Communauté économique européenne) », dans Contextes de la politique linguistique québécoise (Analyses juridique, démographique, économique et culturelle présentées au séminaire du Conseil de la langue française, du 12 au 14 novembre 1992), Québec, Publications du Québec, 1993, 79- 123, en particulier p. 110-123 ; Christine Boch, « Language Protection and Free Trade: The Triumph of the Homo McDonaldus? », European Public Law, vol. 4, núm. 3, 1998, 379-402. Il ne faut pas oublier que la liberté du commerce perçoit la diversité linguistique comme un obstacle qui entrave les échanges de biens et de services. D’où le fait que la mondialisation soit une menace non seulement pour les langues moins répandues, mais aussi pour des langues de grande diffusion. Pour des données linguistiques concernant les effets de la mondialisation, voir, par exemple, Jacques Maurais, « Vers un nouvel ordre linguistique mondial? », dans Jacques Maurais, Michael A. Morris (dirs.), Géostratégies des langues, cit., 7-33. Du point de vue juridique, voir notamment Ivan Bernier, « La préservation de la diversité linguistique [...] », cit., p. 913-960.

[86] . Selon les conclusions de la présidence du Conseil européen de Copenhague, qui s’est tenu les 12 et 13 décembre 2002, Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République slovaque et la Slovénie se seront incorporées le 1er mai 2004 à l’Union européenne. Conformément aux mêmes conclusions, l’Union se donne pour objectif d’accueillir la Bulgarie et la Roumanie en tant que nouveaux États membres en 2007. En ce qui concerne la Turquie, on lit dans les conclusions ce qui suit : « Si, en décembre 2004, le Conseil européen décide, sur la base d’un rapport et d’une recommandation de la Commission, que la Turquie satisfait aux critères politiques de Copenhague, l’Union européenne ouvrira sans délai des négociations d’adhésion avec ce pays ».

[87] . Voir les tableaux infra, à la fin de l’étude.

[88] . La Cour de justice a incorporé dans l’ordre juridique communautaire des principes généraux du droit, parmi lesquels se trouve le principe de la sécurité juridique. La liaison entre la sécurité juridique et la compréhension linguistique a été souligné par la Cour dans l’arrêt cj ce 18 février 1975 (Alfonso Farrauto c/ Bau-Berufsgenossenschaft, 66-74, Rec. 1975,p. 157, point 6)

[89] . Les propositions qui vont dans le sens de ce que les langues de travail ne soient pas moins de trois ni plus de cinq, à choisir parmi les langues anglaise, française, allemande, espagnole et italienne, semblent raisonnables. Voir, par exemple, Miquel Siguan, L’Europa de les llengües, Barcelone, Ed. 62, 1995, p. 209.

[90] . Toutes les propositions faites en vue de modifier le régime linguistique de l’Union portent sur les langues de travail. Voir Marie-Pascale Heusse, « Le multilinguisme ou le défi caché de l’Union européenne », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, nº 426, 1999, 202-207, p. 205-207. Cependant, dans le cas du Parlement européen la diminution immédiate des langues de travail pourrait devenir une barrière indirecte au droit d’éligibilité. Par conséquent, dans ce cas, cette diminution immédiate ne ferait que remettre en cause le principe de la démocratie. Dans le cas du Parlement européen, donc, la diminution devra être nuancée et graduelle. Voir Antoni Milian-Massana, « Le régime linguistique de l’Union européenne [...] », cit., p. 510, note 78 ; du même auteur, Público y privado en la normalización lingüística [...], cit., p. 84 ; Marie-Pascale Heusse, « Le multilinguisme ou le défi [...] », cit., p. 206. La réduction du nombre des langues de travail peut avoir de petits effets sur la fonction publique communautaire. Quant au recrutement du personnel, la réduction rendra peut-être un peu plus difficile le respect de la règle dite de l’équilibre géographique, au début. Il faut se souvenir que, maintenant déjà, tous les fonctionnaires des Communautés doivent connaître au moins deux des langues officielles de l’Union [art. 28 f, du règlement (cee, Euratom, ceca) nº 259/68 du Conseil, du 29 février 1968].

[91] . Les mesures qui suivent dans le texte avaient déjà été proposées il y a sept ans dans notre travail « Le régime linguistique de l’Union européenne [...] », cit., p. 510-511. Malgré le temps passé, elles sont encore d’utilité.

[92] . Ainsi, par exemple, par rapport au catalan, la distinction entre langues officielles de la Communauté et langues non officielles introduite par les directives 97/4/ce du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, et 2000/13/ce du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000 (voir supra) nous semble inadmissible. Par contre, l’exclusion des langues régionales a été récemment corrigée dans certaines initiatives. C’est le cas, par exemple, du Prix européen de littérature, à partir du programme Culture 2000 (cité par Miquel Strubell, « L’establiment d’una política lingüística [...] », cit., p. 176). La tendance à traiter de la même manière les langues officielles et les langues non officielles dans le droit dérivé serait probablement une exigence de la partie finale de l’article 151, paragraphe 4, du traité ce, partie ajoutée par le traité d’Amsterdam (art. 2, paragraphe 25). Pour d’autres effets du paragraphe 4 de l’article 151, voir Ivan Bernier, « La préservation de la diversité linguistique [...] », cit., p. 945-946.

[93] . De ce point de vue, il convient en plus de rappeler que l’article 149.2 du traité ce (ex-art. 126.2) dit que : « L’action de la Communauté vise : — à développer la dimension européenne dans l’éducation, notamment par l’apprentissage et la diffusion des langues des États membres », sans employer l’expression « langues officielles des États membres », ce qui permet de penser que l’action de la Communauté ne doit pas être circonscrite uniquement aux langues officielles. Nous avons déjà parlé auparavant de l’exclusion du catalan des programmes linguistiques européens pour l’apprentissage et le perfectionnement des langues européennes (voir la note 61 supra). L’exclusion vise toutes les langues autres que les langues officielles de l’Union, sauf l’irlandais et le luxembourgeois. Par contre, les langues des pays de l’aele/eee et des pays en phase de pré-adhésion à l’Union peuvent être incluses dans certains programmes.

[94] . Cette dérogation à l’exercice des droits linguistiques reconnus par les législations internes a été signalée auparavant (voir la note 62 supra).

[95] . Dans une certaine mesure, cette possibilité peut être comprise comme recueillie dans la lettre d ) insérée par le traité ue dans l’ancien article 92, paragraphe 3, du traité ce (maintenant art. 87, paragraphe 3), selon laquelle « Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun : [...] d) les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». Voir Bruno de Witte, « The European Community and its Minorities », cit., p. 177-180.

[96] . Il convient de se souvenir que la jurisprudence de la Cour de justice sur les dépenses communautaires rend difficile l’adoption de ces mesures de soutien économique (voir la note 75 supra).

[97] . La nature juridique et les possibles effets de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, signée par les présidents du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne, et proclamée solennellement, le 7 décembre 2000, sont des questions qui échappent à l’objet de cette étude. Cependant, quelle qu’en soit la réponse, il est évident que la Charte inspire, ou doit inspirer, toutes les décisions communautaires. Sur la nature juridique de la Charte, voir, par exemple, Bruno de Witte, « The Legal Status of the Charter: Vital Question or Non-Issue? », Maastricht Journal of European and Comparative Law, vol. 8, nº 1, 2001, 81-89 ; Lorenzo Martín-Retortillo Baquer, « La eficacia de la Carta », Azpilcueta. Cuadernos de Derecho, nº 17, 2001, 19-27 ; du même auteur, « Dos notas sobre la Carta », dans Eduardo García de Enterría (dir.), La encrucijada constitucional de la Unión Europea, Madrid, Civitas, 2002, 183-197, en particulier p. 183- 188 ; Álvaro Rodríguez Bereijo, « El valor jurídico de la Carta de los Derechos Fundamentales de la Unión Europea después del Tratado de Niza », dans Eduardo García de Enterría (dir.), La encrucijada constitucional [...], cit., 199-220 ; Juan Antonio Carrillo Salcedo, « Notas sobre el significado político y jurídico de la Carta de Derechos Fundamentales de la Unión Europea », Revista de Derecho Comunitario Europeo, nº 9, 2001, 7-26, p. 11-21 ; Marc Marsal i Ferret, « Objectius i gènesi de la Carta de drets fonamentals de la Unió Europea: Elements moduladors de la seva eficàcia jurídica », Autonomies. Revista catalana de Dret públic, nº 27, 2001, 27-51, p. 47-51. Pour la gestation particulière de la Charte, voir Gráinne de Búrca, « The drafting of the European Union Charter of fundamental rights », European Law Review, nº 26, 2001, 126-138 ; Lorenzo Martín-Retortillo, « Para una afirmación de los derechos fundamentales de la Unión Europea », Revista del Poder Judicial, nº 57, 2000, 31-49 ; Ricardo Alonso García, « La carta de los derechos fundamentales de la Unión Europea », Gaceta Jurídica de la Unión Europea y de la Competencia, nº 209, 2000, 3-17, p. 7-17. L’article 22 dit textuellement que : « L’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique ». Il convient de signaler que l’article 22 de la Charte ne garantit pas la non-discrimination fondée sur la langue, ce qui est déjà fait par l’article 21. Par conséquent, son étendue couvre des mesures protectrices actives. Voir Santiago Castellà, « La protecció de les minories per la Unió Europea », dans El dret a la diversitat lingüística. Reflexions al voltant de l’article 22 de la Carta dels Drets Fonamentals de la Unió Europea, Barcelone, Ed. Mediterrània, 2002, 47-74, p. 72-74.

[98] . Voir la note 60 supra.

[99] . « In that year [1999], the total cost of the interpreting and translation services for all the institutions combined was € 685,9 million. Divide this by the population of the European Union, which is about 370 million, and you get a figure for the annual cost to each citizen of less than € 2, which is about the price of a cup of something in a café. This figure will not change much when more languages are introduced, since there will always be an increase in population and taxpayers when a new country joins. The cost of translation and interpreting every year is less than 1% of the total budget for running the EU institutions and all the Union’s policies ». Kristina Cunningham, « Translating for a larger Union — can we cope with more than 11 languages ? », 1-13, p. 6, [En ligne], [http://www.europa.eu.int/comm/translation/reading/articles/pdf/2001_cunningham.pdf] (25 novembre 2002).

[100] . Les coûts résultant de l’application des mesures que nous proposons ne sont pas excessifs. Source: Ulrich Ammon, « The status of German and other languages in the European Community », dans Florian Coulmas (ed.), A Language Policy for the European Community. Prospects and Quandaries, Berlin/New York, Mouton de Gruyter, 1991, 241-254, p. 245. Audelà de la traduction en français du nom des langues, il a fallu introduire quelques modifications au tableau original et ajouter certaines langues nouvelles. Avec la réunification de l’Allemagne et l’adhésion de l’Autriche, le chiffre pour l’allemand serait de 87,891. Aux deux nouvelles langues officielles, le suédois et le finnois, correspondraient 8,950 et 4,722 respectivement. Ces chiffres ont été obtenus à partir des données correspondant à l’année 1991 publiées dans l’Europa World Yearbook, Londres, Europa Publications Limited, 1995, vol. I et II. Le chiffre concernant le catalan doit être inférieur au chiffre original du tableau (9,617). Conformément aux données du recensement linguistique officiel de 1991, le chiffre total de locuteurs du catalan pour la Catalogne, la Communauté autonome de Valence et les îles Baléares serait approximativement de 6,400 (chiffre obtenu par M. Reixach à partir du recensement) auxquels il faudrait ajouter les catalanophones de la zone orientale de l’Aragon, des régions du Roussillon, de la Cerdagne, du Capcir et du Vallespir, dans le sud de la France, et de la ville d’Alghero en Sardaigne. Parmi les langues non officielles du tableau, nous avons ajouté le galicien : 2,472 (voir Ignasi Badia i Capdevila, Diccionari de les llengües d’Europa, Barcelone, Enciclopèdia Catalana, 2002, p. 125). Source: Élaboration de l’auteur, à partir des données des ouvrages d’Ignasi Badia i Capdevila, Diccionari de les llengües d’Europa, cit., et de Josep M. Sanmartí Roset, Las Políticas Lingüísticas [...], cit. Le grec est déjà langue officielle en Grèce et langue officielle des institutions de l’Union.

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